Pour une numérisation de la presse satirique belge
Table des matières
PAUL ARON
Plusieurs publications récentes témoignent de l’intérêt que suscite la presse satirique, en regard de l’actualité tragique et douloureuse de l’attentat contre Charlie Hebdo et des menaces proférées à l’encontre de plusieurs dessinateurs et médias dans le monde.
Dans le cadre de Numapresse, l’ouvrage collectif dirigé par Marie-Astrid Charlier et Amélie Chabrier fait date, parce qu’il est le premier du genre à tenter de prendre la mesure des évolutions de la presse spécialisée, depuis le XIXe siècle qui en invente les modèles, jusqu’à l’entre-deux-guerres où elle joue un rôle majeur dans la fabrique des opinions publiques1. Plus en lien avec l’actualité, mais sans occulter la longue durée des phénomènes observés, les réflexions des auteurs d’un second collectif insistent davantage sur les cadres légaux et culturels qui régissent les interventions satiriques2.
Pour avoir participé à ces deux ouvrages, je me suis trouvé tout naturellement devoir prendre en compte les pratiques satiriques de la presse belge. Or, dans cet espace national trilingue, la presse satirique demeure d’autant moins connue qu’elle n’a même jamais été inventoriée. Avant de proposer quelques réflexions de méthode, on essayera d’abord de prendre la mesure du corpus. Je présenterai ici trois tableaux, répertoriant successivement la presse francophone de 1830 à 1914 (Tableau 1), la presse francophone depuis 1918 (Tableau 2), et la presse flamande (Tableau 3). Je m’expliquerai plus tard sur ce choix.
Tableau 1 : presse francophone de 1830 à 1914
Titre |
Lieu |
Date |
Infos |
Le Drôle de corps : recueil comique, satirique et moral, dédié aux momusiens |
Bruxelles |
1817-1819 |
KBR3 |
Méphistophélès |
Bruxelles |
1831-1867 |
Numérisation : https://www.belgicapress.be/link/opac/16153247 Biblio : M. J. Malou, Notice statistique sur les journaux belges (1830-1842). Lettre à Sir Francis J*** à Londres, Bruxelles, Hayez, 1843. |
L’Argus |
Bruxelles |
1844-1852 |
KBR et AVB |
L’Asmodée. Journal politique, satirique et littéraire
|
Bruxelles |
1849 |
MIP |
Le Petit Homme gris : journal théâtral, artistique et satirique |
Bruxelles |
1849-1851 |
|
Revue nouvelle : littérature, critique, actualités, chronique satirique des hommes et des choses |
Bruxelles |
1851-1852 |
Cette revue prolonge l’activité du cercle du « Lothoclo » (1830) et de ses revues Esmeralda et Le Follet belge. Biblio : Joseph Hanse, Charles De Coster, Bruxelles, Palais des Académies, 1990, p. 70-71. Frédérique Neuville, Bruxelles… Un esprit… Une presse… Au temps du Crocodile et de l’Uylenspiegel, mémoire de fin d’études, sous la direction d’E.Gubin, ULB, 1997-1998, p. 29. |
Le Crocodile : organe des loustics |
Bruxelles |
1853-1859 |
Journal littéraire des étudiants de l’ULB. Biblio : Pierre Van den Dungen, « L’Université libre de Bruxelles au temps des crocodiles », dans Michel Draguet (éd.), Rops, De Coster, Une jeunesse à l’ULB, Bruxelles, GRAM, 1996, p. 39-127.
|
Le Charivari belge |
Bruxelles |
1854-1859 |
Surtout consacré à la reproduction d’articles de Punch, du Kladderadatsch, du Tintamarre et du Journal pour rire. Biblio : Jacques Hellemans, « La contrefaçon illustrée’ par la veine caricaturale », Monte Artium, 7, 2014, p. 276. |
Uylenspiegel : Journal des ébats artistiques et littéraires
|
Bruxelles |
1856-1863 |
Biblio : Pierre Van den Dungen, « Chapitre XIX. Une bohème bruxelloise ». Brissette, Pascal, et Anthony Glinoer. Bohème sans frontière. Rennes : Presses universitaires de Rennes, 2010. (p. 265-277) Web. <http://books.openedition.org/pur/40240>.
|
Le Grelot : petite gazette de Bruxelles |
Bruxelles |
1859-1867 ? |
Suite du Crocodile (liée au cercle du même nom) Biblio : Francis Sartorius , Tirs croisés. La petite presse bruxelloise des années 1860, Tusson, Du Lérot, 2004, p. 286. |
Le Chérubin : journal politique, satirique et littéraire |
Bruxelles |
1865-1869 |
Biblio : Sartorius , Tirs croisés, p. 275. |
Le Charivari international : journal satirique, hebdomadaire, politique, littéraire, Sciences, Beaux-Arts et Finances |
Bruxelles |
1867 |
Biblio : Sartorius , Tirs croisés, p. 168. |
Le Pasquin : revue critique paraissant le dimanche. Biographies. Révélations. Satires |
Bruxelles |
1867-1868 ? |
Biblio : Sartorius , Tirs croisés, p. 344. |
L’Espiègle : journal satirique, politique, artistique et littéraire |
Bruxelles |
1868 |
KBR et Archives de la Ville de Bruxelles (AVB) Biblio : John Bartier, Odilon Delimal, un journaliste franc-tireur au temps de la première Internationale, éd. F. Sartorius, Bruxelles, éditions de l’ULB, 1983.
|
L’Arlequin : journal artistique, littéraire et satirique |
Ixelles |
1868 |
KBR et MIP |
Le Diable |
Bruxelles |
1868-1869 ? |
Biblio : Sartorius , Tirs croisés, p. 259-260. |
Le Rasoir : journal satirique |
Liège |
1869-1889 |
KBR et AVB |
Le Franc Parleur : journal satirique et comique |
Bruxelles |
1869-1870 |
Biblio : Sartorius , Tirs croisés, p. 108-110. |
Le Microscope : journal amusant |
Bruxelles |
1869 |
Biblio : Sartorius , Tirs croisés, p. 106-108. |
La Puce : journal mordant, gazette satirique, comique, critique et politique... pour rire de Bruxelles |
Bruxelles |
1869 |
Biblio : Sartorius , Tirs croisés, p. 376-377. |
L’Épingle |
Bruxelles |
1869 |
Biblio : Sartorius , Tirs croisés, p. 392-393. |
Le Goulu : journal comique, satirique, parodique, critique, éreintant et mordant |
Bruxelles |
1870 |
Succède à L’Aspic (MIP) Biblio : Sartorius , Tirs croisés, p. 331. |
La Charge |
Bruxelles |
1870 |
Biblio : Sartorius , Tirs croisés, p. 371-372. |
L’Éclair belge : journal indépendant politique et satirique: littérature, sciences, arts, tribunaux |
Bruxelles |
1871-1880 |
Biblio : Sartorius , Tirs croisés, p. 137-138, 195-196. |
Le Fils Duchêne, feuille publique par les citoyens Hugène, Gugusse et Dodorre : journal satirique |
Bruxelles |
1871 |
Biblio : Sartorius , Tirs croisés, p. 225-227. |
Polichinelle au Vatican : journal satirique |
Bruxelles |
1872 |
|
Le Cauchemar : journal satirique de Chênée |
Liège |
1872 |
|
Le Petit Bruxellois : journal illustré, satirique, politique, littéraire, théâtral paraissant tous les jeudis |
Bruxelles |
1873 |
Biblio : Sartorius , Tirs croisés, p.163, 257. |
Le Blagueur : journal satirique paraissant le dimanche |
Bruxelles |
1875 |
|
La Trique : organe satirique illustré hebdomadaire |
Bruxelles |
1879-1880 |
KBR et BnF Journal satirique créé par Ernest Vaughan, avec Louis Bertrand et Louis Morichar. |
Le Polichinelle : journal satirique |
Bruxelles |
1880 |
|
Le Lion belge : journal satirique hebdomadaire |
Bruxelles |
1880 |
|
Le Cric-crac : journal satirique illustré |
Liège |
1880-1882 |
|
Le Balai : organe satirique des étudiants de Louvain |
Louvain |
1880 |
|
Le Sifflet : journal satirique des étudiants de Louvain |
Louvain |
1880 |
|
Le Frondeur : journal hebdomadaire, satirique et littéraire |
Liège |
1880-1888 |
|
Feu-follet : journal politique, satirique, humoristique |
Louvain |
1881 |
|
Le Tirailleur |
Bruxelles |
1881-1894 |
Biblio : Laurence Van Ypersele, « L’imaginaire catholique dans la caricature politique belge de 1884 à 1914 », dans Politique, imaginaire et éducation. Mélanges en l’honneur de Jacques Lory, textes réunis et présentés par F. Maerten, J.P. Nandrin & L. Van Ypersele, Bruxelles, Faculté universitaire Saint-Louis (Cahiers du centre de recherches en histoire du droit et des institutions, 13-14), 2000, p.17-87. |
La Guêpe : journal satirique, humoristique et littéraire illustré |
Liège |
1881 |
|
Le Figaro belge : journal hebdomadaire financier, commercial, industriel, littéraire et satirique |
Bruxelles |
1881 |
|
Le Balai : journal satirique illustré |
Liège |
1881-1882 |
|
Le K’aperdulaboule: journal politique, satirique, humoristique, etc. etc. |
Louvain |
1882 |
|
La Casserole : journal illustré, satirique, politique, littéraire, théâtral |
Bruxelles |
1883-1888 ? |
|
Le Casque à mèche : journal satirique, théâtral, musical, artistique, scientifique et littéraire |
Gand |
1883 |
|
Le Charivari belge : journal satirique |
Laeken |
1884 |
|
Le Papillon : journal humoristique, satirique illustrée |
Bruxelles |
1884-1889 |
|
La Patrouille |
Bruxelles |
1884-1892 ? |
|
Le Gourdin : journal satirique illustré |
Bruxelles |
1885-1888 |
|
La Jeunesse : journal humoristique et satirique |
Liège |
1885-1896 ? |
|
Le Passe-partout : journal satirique, comique, amusant, instructif |
Namur |
1885-1889 |
|
La Lampe honnête verviétoise : journal littéraire, humoristique et satirique |
Verviers |
1885-1886 ? |
|
Le Monde Bouffe ou le Charivari belge : journal satirique, littéraire et artistique |
Bruxelles |
1886 |
|
Le Balai : pamphlet satirique illustré |
Bruxelles |
1886 |
|
Le Sancho : journal satirique illustré hebdomadaire |
Bruxelles |
1889 |
|
L’Éclat de rire : journal humoristique et satirique |
Liège |
1889 |
|
Le Pétard : journal hebdomadaire, satirique et littéraire |
Liège |
1890 |
|
Le Pavé : journal satirique et littéraire |
Bruxelles |
1891 |
|
Le Bric-à-brac : journal humoristique, satirique et littéraire |
Liège |
1891-1892 ? |
|
Le Diablotin : organe des mécontents |
Bruxelles |
1892-1893 |
|
La Feuille illustrée : journal littéraire et satirique, paraissant le dimanche |
Bruxelles |
1893-1906 ? |
|
Le Diable au corps [suite du Diablotin] |
Bruxelles |
1893-1895 |
Biblio : Paul Aron, « Raphaël Landoy et le Diable au corps : les correspondants belges du Chat noir », Poétique du Chat noir, ss la dir. de Caroline Crépiat, Denis Saint-Amand et Julien Schuh, Paris, P.U. de Nanterre, 2021, p. 367-388. |
Les Potins du pont de Polleur : journal satirique |
Verviers |
1894 |
|
Les Potins de Polleur : journal satirique [suite des Potins du pont de Polleur] |
Verviers |
1894-1895 |
|
Le Furet : organe satirique de l'industrie armurière |
Liège |
1894 |
|
Le Cornélien moderne : organe mensuel littéraire, artistique satirique et illustré |
Bruxelles |
1894-1895 |
|
Le Bruxelles amusant, illustré paraissant le samedi : journal comique, amusant et satirique de la vie bruxelloise |
Bruxelles |
1895-1896 |
MIP |
La Charge : journal satirique paraissant le dimanche |
Bruxelles |
1896 |
|
La Finance illustrée: organe satirique financier, politique et commercial |
Bruxelles |
1899-1964 ? |
|
Chanchet : journal satirique illustré littéraire, théâtral et sportif |
Liège |
1899-1902 |
|
Le Baudet : journal hebdomadaire, anticlérical, satirique et illustré |
Bruxelles |
1902 |
|
L’Anticlérical satirique illustré : organe bi-mensuel des sociétés de libre pensée de Belgique |
Bruxelles |
1902 |
|
La Cravache : organe satirique, artistique, humoristique et même littéraire |
Anvers, |
1904-1905 ? |
|
Fouet (Le). Journal satirique, humoristique, critique [puis] Le Fouetteur (Le). Journal satirique, humoristique, critique. |
Bruxelles, |
1905; 1908 - 1911; 1914
|
MIP |
La Trique : journal satirique, libéral et démocratique |
Bruxelles |
1905-1906 |
|
Le Cri de Bruxelles : journal illustré humoristique, satirique, théâtral et mondain |
Bruxelles |
1907-1938 |
KBR et AVB |
Le Rollmops. Satirique, littéraire & mondain |
Schaerbeek |
1908 |
MIP |
La Fronde : journal satirique universitaire |
Louvain |
1909 |
|
La Vie bruxelloise : journal satirique et boulevardier: théâtre, littérature, mondanités, politique, sports |
Bruxelles |
1910-1912 |
|
Tatène, veuve Tchanchet : journal satirique illustré |
Liège |
1911-1914 |
|
La Vie ostendaise et du littoral : journal satirique, informations générales, théâtre, littérature, mondanités, élégances, sports |
Ostende |
1912 |
|
La Lanterne de Bruxelles : journal hebdomadaire, satirique et financier |
Bruxelles |
1913 |
|
La Lanterne : journal satirique hebdomadaire [suite de La Lanterne de Bruxelles] |
Bruxelles |
1913-1914 |
|
Haro ! |
Bruxelles |
1913-1928 |
Premier numéro en juin 1913 ; 3 séries : 1913, 1919-1920 et 1927-1928 Numérisation digithèque ULB Réédition : Véronique Waterlot-Jottrand et Daniel Lefebvre, Haro ! Une revue belge d’avant- garde. 1913–1928, Mons, 1995. Biblio : Daphné de Marneffe, Le réseau des revues littéraires de l’immédiat après-guerre en Belgique (1919-1922), Thèse de doctorat, Université de Liège, 2007. |
Le Clairon : satirique, théâtral |
Anvers |
1914 |
|
Tableau 2 : presse francophone depuis 1918
Le Satirique : journal patriotique illustré |
Ixelles |
1918 |
Premier numéro en ligne : https://hetarchief.be/abraham/c:bnc:5463?sort=issued-asc
|
La cravache : journal satirique |
Bruxelles |
1918-1919 |
Trois premiers numéros en ligne : https://hetarchief.be/abraham/c:bnc:4531?sort=issued-asc
|
Potins-Pantins : journal satirique, mondain, politique, théâtral, sportif, paraissant tous les samedis |
Bruxelles |
1919-1921 |
Numérisation KBR : https://www.belgicaperiodicals.be/link/opac/11620978 |
Bruxelles Universitaire : revue satirique mensuelle des étudiants de l’Université Libre de Bruxelles |
Bruxelles |
1920- |
Sous titre varie. C’est à partir d’octobre 1928 qu’il prend le sous-titre « revue satirique mensuelle des étudiants de l’ULB » même si le contenu n’est pas plus satirique qu’avant. Abandonne la mention « satirique » dès 1933. |
La Mascotte illustrée: fantaisiste, humoristique, satirique |
Bruxelles |
1921-1922 |
Numérisation KBR : https://www.belgicaperiodicals.be/link/opac/11741069 |
Nanesse héritière de Tatène et Tchanchet : gazette humoristique, satirique et illustrée, paraissant le samedi |
Liège |
1923-1930 |
Biblio : Du petit reporter au grand romancier, Cahiers Simenon, no 4, Bruxelles, Les Amis de Georges Simenon, 1990, p.112-113 ; Jacques-Charles Lemaire, Simenon jeune journaliste : un « anarchiste » conformiste, Bruxelles, Complexe, 2003, p32-33. |
Péliklan: organe de dégonflement à soupapes satiriques, humoristiques et illustrées |
Liège |
1926 |
1 seul n° paru. |
L’Invalide illustré : revue mensuelle littéraire, artistique, satirique |
Bruxelles |
1926-1932 |
Numérisation KBR : |
Grimaces : revue satirique et artistique |
Bruxelles |
juin-juillet 1927 |
|
Mon béguin : journal humoristique et satirique paraissant le samedi |
Bruxelles |
1927-1928 |
KBR et AVB |
La Fronde : journal satirique |
Bruxelles |
1929 |
KBR et AVB |
La Trique : journal satirique socialiste |
Bruxelles |
1929-1935 |
|
L'Africain : hebdomadaire humoristique, satirique, paraissant le samedi |
|
1930 |
Numérisation KBR : |
Méphisto : journal satirique |
|
1933 |
KBR et AVB |
Le Pétard : journal satirique |
|
1936 |
KBR et AVB |
La Gaillarde. Revue littéraire et satirique paraissant tous les mois |
|
1937 |
|
Pan |
Bruxelles |
1945- |
Biblio : « Le phénomène 'PAN' », Courrier hebdomadaire du CRISP. 1961, 111(21), p. A-I.
|
Père Ubu, hebdomadaire satirique |
Bruxelles |
1990-2010 |
|
Tableau 3 : presse flamande
Ce tableau a été réalisé par Brecht Deseure (ULB-KBR). Il représente une sélection de titres disponibles répartis sur les deux périodes. La plupart d’entre eux n’ont jamais été étudiés, et certainement pas sous la forme d’une approche générale de la satire en Flandre.
Gentsch vosken |
Gand
|
1847-1848
|
EHC, KUL, UGENT
|
De roskam: een weekblad van den ouden eed, door dry diepzinnige staetkundigen opgesteld |
Anvers
|
1847-1848
|
EHC, KBR, etc.
|
De schrobber: weekblad voor dezen tijd, door geene zeeldraeyers opgesteld |
Anvers
|
1847-1848
|
EHC, KUL
|
Artevelde, of: Den burger-demokraet: volks-blad |
Gand
|
1848-1852
|
KBR
|
Baes Kimpe |
Gand |
1857-1859
|
ADVN et KBR
|
De hekelaar: politiek weekblad |
Anvers
|
1863-1865
|
EHC, ADVN, KUL, MDL
|
Reinaert de Vos: een zondagblad voor verstandige lieden, aeneengeknoopt door zeven filosofen |
Anvers |
1860-1868 |
EHC, KBr, UGENT, etc.
|
Lucifer: weekblad voor God en alleman |
Anvers
|
1869
|
EHC
|
Kokedie: liberaal weekblad |
Gand
|
1874
|
KUL, UGENT
|
Jan klopterop: vrijzinnig orgaan onder kernspreuk: recht voor de vuist! |
Gand
|
1874-1875 |
KUL, LA, UGENT
|
Paters en nonnen: antipaapsch geïllustreerd weekblad |
Gand
|
1877-1879
|
Ehc, KUL, UGENT
|
De kluchtige Uilenspiegel: geïllustreerd weekblad |
Bruxelles
|
1887
|
EHC, KUL
|
De fakkel: humoristisch politiek weekblad |
Anvers
|
1889
|
EHC, KUL
|
Tybaert de Kater: een weekblad voor verstandige lieden, opgesteld door zeven filozofen |
Anvers
|
1890-1960 |
EHC, ADVN, KUL, MDL UGENT |
't Vergif: sarcastisch blad ten dienste der goede zaak, verschijnende dagelijks, volgens aanvraag, in eene verschillende stad of gemeente |
Différents lieux |
1891-1926
|
SA-ALOST
|
Reinaert de Vos: Vlaamschgezind, onafhankelijk, vooruitstrevend zondagsblad |
Anvers
|
1891-1895
|
EHC, KUL
|
't Fluitje: het vat geeft uit wat het in heef |
Louvain
|
1899
|
EHC, KBR, KUL, UGENT
|
Klits-Klets: orgaan van eenige panacheurs, verschijnt naar gelang der omstandigheden, om den teppeté en zijn zemelen te embeteêren
|
Anvers
|
1904
|
EHC
|
De kleine Uilenspiegel: klucht en luim: onpartijdig weekschrift |
Anvers
|
1909
|
EHC, KUL
|
De schrobber: schrobt alle weken satyriek en humoristiek |
Anvers
|
1909-1910
|
EHC, KUL, ADVN
|
De roskam |
Bruxelles
|
1910
|
EHC, ADVN, KUL, KADOC
|
De afrosser |
Bruxelles
|
1911 - 1914
|
EHC, ADVN. Continuation de De Roskam |
Reintje de Vos: satiriek weekblad |
Anvers
|
1912
|
1912 |
Uilespiegel: Vlaamsch geïllustreerd weekblad
|
Anvers
|
1913-1914
|
ADVN et KBR
|
De zot: satiriesch humoristiesch weekblad |
Anvers
|
1919
|
EHC
|
De Snuiver : humoritisch en satirisch weekblad |
Borgehout |
1922-1940 |
EHC, ADVN, KBR
|
Pallieter: satiriek weekblad |
Bruxelles
|
1922-1929
|
EHC, ADVN, KUL, etc. |
Karambol. Satyriek geïllustreerd weekblad. Verschijnt 's Zaterdags |
Anvers
|
1926
|
KBR
|
Reinaert: satiriek tijdschrift |
Gand
|
1930-1940
|
EHC, AMSAB, UGENT, etc. |
Koekoek: humoristisch weekblad van Vooruit |
Gand
|
1931-1935
|
EHC, AMSAB, UGENT |
De gieljotiene: humoristisch weekblad voor het Vlaamsche land |
Gand
|
1934-1935 |
UGENT |
De gieljotiene van Pierlala: humoristisch weekblad voor 't Vlaamsche land |
Gand
|
1935-1943
|
UGENT, ADVN, LA |
De filosoof |
Anvers
|
1939
|
EHC, ADVN, AMSAB, UGENT
|
’t Pallieterke |
Antwerpen |
1945- |
EHC, KBr, UGENT, etc.
Biblio : Marc Vanvaeck, "Zonder andere baas dan mijn geweten" : 't Pallieterke van Bruno De Winter (1945-55), Antwerpen, 't Pallieterke, 2015. Hector Van Oevelen, 50 jaar 't Pallieterke : vrij en vrank, Antwerpen, Vlaamse Volksbeweging, 1998 ; Berchem : Vlaams Dienstencentrum, 2001. |
De satan |
Anvers
|
1956
|
KBR
|
Den ambetante Mecheleir: Mechelse stadskrant |
Malines |
1975-1977
|
EHC
|
Sater: satirisch informatieblad |
Vilvoorde
|
1979
|
1979
|
Foert: politiek satirisch maandblad |
Gand
|
1979
|
UGENT
|
MEP: maatschappelijk–educatieve publicatie |
Anvers
|
1981-1982
|
|
De Zwijger |
Bruxelles |
1982-1984 |
KBR |
Wup. Satirisch blad |
Furnes
|
1994
|
KBR
|
Paf ! |
Bruxelles |
2005 |
ADVN Se veut l’équivalent de Père Ubu. |
Le corpus
La presse satirique belge du XIXe siècle n’a jamais été étudiée dans sa totalité, ni même recensée. Seul l’ouvrage de Francis Sartorius (Tirs croisés : la petite presse bruxelloise des années 1860, Tusson, Du Lérot, 2004) aborde la petite presse des années 1860, années de forte influence des proscrits français du Second Empire. Nous avons donc établi une liste de journaux créés au XIXe siècle. Cette liste n’est pas exhaustive, elle reprend d’une part certains journaux dont on sait qu’ils présentent une dimension satirique (même s’ils ne l’affirment pas), et d’autre part des journaux qui se disent explicitement satiriques (généralement à travers leur sous-titre) et que nous avons retrouvés grâce à une recherche par mots-clés dans les catalogues des bibliothèques.
Un examen de la liste montre d’emblée que la presse satirique francophone – ou qui se dit satirique – est abondante au XIXe siècle (on compte presque 70 titres), avec une nette croissance à partir de la seconde moitié du siècle. Néanmoins, cette presse est éphémère : la plupart des titres tiennent rarement plus d’un an. Elle est aussi événementielle, c’est-à-dire que la création des journaux est souvent liée à une polémique ou à un événement précis (les élections communales de 1869 sont par exemple la raison d’être du premier numéro du Rasoir liégeois, qui devait à la base être unique). Cette presse est aussi d’ancrage local : elle est liée à une ville plutôt qu’au pays. La plupart des titres sont bruxellois, mais l’on note aussi la présence d’une presse satirique provinciale, surtout à Liège (mais on a aussi des journaux à Anvers, Verviers, Louvain, Gand, etc.). Cette presse est aussi personnalisée dans ses attaques, puisqu’elle cible généralement des personnalités récurrentes. Très souvent, elle est produite par une ou deux personnes, que l’on retrouve dans plusieurs journaux. L’objectif est commercial ; il s’agit de faire vivre les rédacteurs plutôt que d’exprimer des idées. Les journaux présentent dès lors des aspects publicitaires, voire de chantage qui ne sont pas toujours explicites. Enfin, les périodiques qui paraissent ne sont pas nécessairement illustrés.
Cette presse est parfois liée aux grands courants de la société belge et la dimension idéologique est importante. Les journaux anticléricaux sont les plus nombreux, ce qui correspond évidemment aux habitus de lecture de la bourgeoisie urbaine. L’Argus, Méphistophélès, L’Uylenspiegel, Le Rasoir, La Bombe, puis La Patrouille, Le Gourdin et La Trique relèvent de cette tendance. En face, les titres satiriques cléricaux sont plus rares. Les deux principaux, selon Laurence Van Ypersele, sont Le Tirailleur et son successeur Le Sifflet (1904-1914).
La fin du siècle voit croître le nombre de journaux satiriques, en raison des luttes sociales et de l’installation d’un gouvernement catholique à partir de 1884. Mais c’est aussi à ce moment qu’émerge un type de presse davantage liée à la vie artistique et culturelle et plus seulement politique. Il s’agit de journaux portés par des collectifs, avec des rédacteurs plus nombreux parmi lesquels on retrouve des peintres-dessinateurs et des écrivains. Ces groupes sont liés à des sociabilités particulières, comme des banquets, des réunions régulières et des soirées divertissantes ou bachiques. Cette presse satirique s’éloigne des soucis commerciaux et l’objectif n’est donc plus nécessairement de faire vivre les auteurs. On a déjà un exemple de ce type de presse en 1856 avec L’Uylenspiegel, mais c’est à l’époque une exception. Le Diable-au-corps (1893), qui fait suite au Diablotin, incarne ce modèle.
Nous avons effectué un même travail d’inventaire pour la presse au XXe siècle, qui n’a pas non plus été recensée jusqu’à présent. Puisqu’on ne dispose d’aucune étude pour cette période, la liste des journaux ne reprend que des titres qui se disent explicitement satiriques et qui ont pu être repérés grâce aux catalogues en ligne. Un constat s’impose lorsqu’on compare les deux listes établies : le nombre de journaux chute au tournant du siècle. Pendant la Première Guerre mondiale, seule une presse qui collabore avec l’occupant peut paraître. C’est sans doute la raison de la relance de la presse satirique dans l’immédiat après-guerre.
En établissant l’inventaire des périodiques francophones qui se disent satiriques entre 1918 et 1940, nous avons remarqué que certains d’entre eux fondaient leur ligne éditoriale sur les réactions face à la Première Guerre mondiale. Il s’agit d’abord de deux journaux crées dans l’immédiat après-guerre : d’une part Le Satirique (sous-titré journal patriotique illustré), qui est créé en 1918 et dont nous n’avons retrouvé que le premier numéro, et d’autre part La Cravache (sous-titré journal satirique), qui paraît entre 1918 et 1919. Quelques années plus tard, on retrouve encore une revue qui est centrée sur la guerre ; elle s’intitule L’Invalide illustré : revue mensuelle littéraire, artistique, satirique et paraît entre 1926 et 1932. Les trois périodiques reviennent sur les événements liés à la guerre et se positionnent en faveur d’une unité nationale, mais alors que L’Invalide adopte un ton léger et est finalement peu satirique, les deux autres prennent davantage position, se veulent plus critiques et revendiquent très clairement leur patriotisme dans le but de soutenir une Belgique unie. Les divergences idéologiques ne sont plus au centre de la satire : la cible est désormais l’Allemagne et plus spécifiquement les Allemands.
Le Satirique et La Cravache témoignent tous deux d’une même visée critique à l’égard de l’occupant, mais à côté du ton satirique et des blagues faites à propos des Allemands, ces deux publications présentent aussi une volonté purement informative. Il s’agit de publier des informations sur des événements qui se sont déroulés pendant la guerre. Après la période de censure, certains entendent prendre leur revanche en dénonçant des faits passés. Ainsi dans Le Satirique, à côté des blagues (par exemple le jeu de mots sur brutalement/brute allemande), on trouve par exemple un article sérieux sur la manière dont les prisonniers de guerre ont été traités en Allemagne. De la même façon dans La Cravache, à côté des illustrations qui caricaturent les Allemands figurent des articles qui traitent de la résistance belge sous l’occupation. Le journal publie aussi des documents qui font office de témoignage comme le carnet de notes d’un policier allemand.
Puisqu’il s’agit de publier tout ce qui n’a pas pu être publié pendant la guerre, on retrouve aussi des documents qui sont loin d’être inédits. La Cravache publie par exemple des chansons de guerre, des « dessins du front » ou encore dès 1919 beaucoup de caricatures qui sont des reprises d’illustrations qui étaient parues dans la presse française ou anglaise pendant la guerre.
La dimension satirique transparaît dans des articles qui traitent des Allemands, mais pas uniquement. D’autres comportements sont dénoncés et sont l’objet de la satire. Le Satirique publie par exemple un poème qui est un faux hommage à la garde civique belge et qui critique son comportement pendant la guerre. Le journal publie aussi une pièce de théâtre satirique sur l’état de la presse belge à la libération (elle dénonce les « prostituées de la presse », c’est-à-dire les journaux qui ont sympathisé avec l’occupant). De la même manière, La Cravache critique certes les Allemands (les « ennemis pour toujours »), mais publie aussi chaque semaine son « coup de cravache », qui dénonce principalement les activistes flamands ou les accapareurs pendant le conflit. Le 6 janvier 1919, le journal explique très clairement son programme en affirmant : « La Cravache est anti-germanique – oh ! tout à fait ! – elle est anti-flamingante – tout autant ! – elle est ardemment francophile et elle soutiendra toutes les revendications démocratiques. »
Dans les deux cas, la satire est donc très clairement liée à la Première Guerre mondiale. Néanmoins, tandis que La Cravache ne publie que des articles liés à la guerre, Le Satirique aborde d’autres sujets, notamment en se prononçant sur la situation en Russie (le journal se positionne contre Lénine, Trotski et Zinoviev) ou en annonçant des futures pages consacrées à l’art (on ignore si ces pages furent éditées par la suite).
Dans tous les cas, le positionnement patriotique semble porteur. L’Invalide illustré, qui paraît seulement en 1926, reprend encore la thématique de la guerre, mais abandonne la dimension satirique. Le périodique a vraisemblablement pour objectif d’aider les invalides de guerre, il précise que ses bénéfices leur sont directement adressés. L’ensemble des articles cherche à rendre hommage aux victimes de la guerre, que ce soit à travers les portraits d’anciens combattants (ou de défenseurs de la cause des anciens combattants) ou des différents articles qui sont liés aux souvenirs de la guerre (les « impressions tranchéennes » en vers par exemple, des chansons et poèmes sur la guerre, ou encore la nécrologie des « morts pour la patrie » qui revient à la fin de chaque numéro). À côté de cela, la revue publie aussi d’autres articles à visée documentaire ainsi que des nouvelles policières, des sortes de billets divers, l’actualité des théâtres, des chroniques du cinéma et parfois des disques. Il s’agit d’une revue et non d’un journal (le format et le découpage des rubriques en témoignent). Le ton est léger et l’adjectif « satirique » ne doit se comprendre que dans le sens de « humoristique ».
Pour finir, à côté de ces publications patriotiques, une revue fait figure d’exception. Il s’agit de Haro !, qui paraît en 1913 puis entre 1919 et 1920 et entre 1927 et 1928. Elle a déjà été bien étudiée. Elle ne se dit pas satirique, mais poursuit bien une telle visée. Anticonformiste et avant-gardiste en matière d’art et de littérature, la revue l’est aussi sur le plan politique et devient rapidement une vraie revue de combat, d’esprit révolutionnaire et anarchiste. Après la guerre, elle a pour particularité de défendre les pacifistes ou les sympathisants du mouvement flamand, ce qui est rare dans la presse francophone et qui contraste nettement avec les journaux satiriques que nous avons vus. Le ton est nettement plus pamphlétaire et les caricatures, qui sont pour la plupart d’Albert Daenens (le directeur, figure centrale de la revue), sont beaucoup plus virulentes. La revue prend des positions vis-à-vis de l’actualité et se rapproche ainsi de la grande presse quotidienne (même si elle est mensuelle au départ, puis bimensuelle après la guerre) ; le format qu’elle adopte va dans le même sens : la revue paraît sous un format journal.
Dans l’ensemble, même lorsque les journaux sont littéraires (La Gaillarde par exemple) ou présentent un contenu très varié et parfois éloigné de l’actualité (poèmes, contes, blagues, brèves, opinions sur des sujets de société, etc.), la satire s’exerce essentiellement dans le domaine politique, surtout à travers les caricatures d’hommes politiques (une exception : Péliklan, dont la dimension satirique porte sur l’art et plus particulièrement le Salon de Mai à Liège en 1926, mais il semble que ce soit une publication unique et non un vrai périodique).
Par contre, même lorsque les journaux présentent des positionnements politiques (à l’exemple de La Mascotte illustrée, plutôt libérale et anticléricale), ils ne sont pas liés au système des partis et des grands piliers politiques belges, à l’exception de La Trique. Seul un parti atypique comme le Rexisme fait un usage de la satire dans ses publications (sur le mode de l’antisystème, « tous pourris »). Du côté de l’extrême gauche, on voit des caricatures plutôt que de la satire. Ainsi, dans la presse communiste (La Voix du peuple, Le Drapeau rouge), de nombreux dessins participent à la dénonciation du « grand capital » ou des « gros capitalistes », mais dans un but militant, qui ne relève pas vraiment de la satire. Au stade actuel de notre enquête, il semble qu’il y a peu de rubriques consacrées à la satire dans la grande presse d’opinion. Ceci reste toutefois à confirmer. Au tournant du siècle, un journal fait exception : Le Petit bleu, libéral bruxellois atypique, qui mise sur sa relation de proximité avec ses lecteurs et présente, de manière mordante, des saynètes de la vie culturelle ou politique de type satirique. Il semble influencé par la presse anglaise, car Gérard Harry, son directeur, est particulièrement anglophile (et anglophone).
L’hebdomadaire La Trique (1929-1935) est une exception notable dans la presse francophone : un des rares périodiques satiriques engagés à gauche. Il est fondé le 3 février 1929 par Joseph Wauters, le patron de la presse socialiste, comme un outil de propagande électorale un peu différent des autres. Tirée sur les presses du Peuple, La Trique est publiée sur papier rose à partir du 23 février 1929. Elle rencontra un tel succès que l’initiative se prolongea pendant six ans. Le journal vivait principalement des abonnements, et peut-être aussi de l’aide de la Banque belge du Travail dont la faillite en février 1934 précède de peu la fin du journal. Dans l’opposition depuis novembre 1927, les socialistes belges entrent au gouvernement Van Zeeland le 25 mars 1935 et c’est très exactement à ce moment que La Trique disparaît. Le journal fabrique une satire généralisée de la vie politique et des institutions en Belgique, dans l’esprit d’un véritable journal d’opposition. Mais il n’oublie pas non plus de critiquer les courants politiques qui sont à la gauche du POB (les communistes). Assez régulièrement aussi, il s’en prend à Camille Huysmans, membre du parti, mais qui milite activement pour la cause flamande. L’âme du journal est Frédéric Denis (1892-1952), poète et critique littéraire, rédacteur au Peuple. Le « banquet » organisé le 20 septembre 1930 permet de découvrir les noms de quelques collaborateurs, comme Jules Lhost, Raymond, Léo Campion, Frans Fischer, Bourquin, Antony Vienne, Hixe, Arthur Focan, Rali,…5 Le bandeau montre un ouvrier chassant un âne à coups de trique. Cette image renouvelle avec bonheur le rêve d’un nettoyage rapide et définitif de la corruption qui traverse tout l’imaginaire politique occidental depuis la Révolution française.
Les corpus repérés demandent, bien entendus, à être analysés dans le détail. Une série de journaux se disent satiriques, mais n’ont rien de satirique. L’usage de l’adjectif n’est pas du tout rigoureux : on l’utilise par exemple lorsque la publication est centrée sur les « échos » et se borne à publier des potins liés à une région ou un milieu spécifique (c’est le cas de Potins-Pantins qui blague le milieu théâtral bruxellois sous la forme de brèves humoristiques, ou de Grimaces qui fait la même chose sur le monde artistique au sens large), lorsqu’il s’agit de caricaturer un milieu sans intention de dénonciation (c’est le cas pour le journal étudiant Bruxelles Universitaire qui publie par exemple des caricatures d’enseignants), ou plus largement lorsqu’il s’agit de publier du contenu humoristique au sens large (le journal Mon béguin, qui publie des blagues diverses sur les hommes politiques, mais aussi sur des clichés, des histoires de tromperies, etc., se dit satirique, mais affirme être « une feuille vouée à la gaieté, et qui n’a d’autre ambition que celle de ramener le sourire sur les lèvres des citoyens [...] »). Ces exemples témoignent bien du caractère rentable de l’adjectif, même lorsque le registre satirique n’est pas effectif. À l’inverse, un hebdomadaire comme Pourquoi pas ? (1910-1988), d’orientation libérale, s’est imposé durablement dans le champ de la presse belge grâce à une formule que l’on pourrait qualifier de semi-satirique. Chaque livraison s’ouvrait par une caricature et le portrait, souvent sarcastique, d’une grande figure nationale ou internationale ; dans les pages intérieures, une rubrique de potins divers était rédigée sur un ton comparable à celui des billets et échos de la presse satirique. Mais par ailleurs, le journal fournissait des informations générales, des services pratiques et un rédactionnel plus classique. L’analyse s’applique aussi au Rouge et le Noir (1927-1938), peut-être en partie à Cassandre (1934-1944). Plus généralement, la grande presse comporte évidemment aussi une dimension satirique, notamment à travers les billets, chroniques et caricatures qu’elle publie6. Mais nous sortons alors de la présente enquête.
Un bel exemple de presse régionale est le journal Nanesse (1920-1930), périodique liégeois au ton très piquant, qui raille surtout des personnalités locales. Le journal devient une feuille de chantage lors du changement de direction en 1924, pour finalement perdre le ton pamphlétaire des débuts lorsqu’il devient une revue et ne publie plus que des dessins humoristiques légers, des potins sur la région et des romans populaires. Le journal est intéressant, car il montre que la veine locale est porteuse (Nanesse se prolonge pendant 10 ans !) : tout le contenu du journal est uniquement centré sur Liège et les environs (plus tard, une page sera aussi consacrée à Charleroi, mais on reste sur une idée d’ancrage provincial) et il joue sur cette dimension locale (comme dans son feuilleton/dialogue « Mme Cavasse & Mme Leknèye »).
La bibliographie néerlandophone obéit manifestement à des intentions différentes. Nombre de titres sont régionaux, et la métropole anversoise se taille une grande part du corpus. On perçoit un recours fréquent aux « identifiants flamands » que sont Renard, Ulenspiegel, et un usage de mots perçus comme populaires (Foert). Nombre de titres sont liés au mouvement nationaliste flamand, et les deux titres principaux d’après-guerre sont liés à cette mouvance. La satire politique flamande d’extrême droite s’exprime aussi sur des sites comme « De Rechtzetting » ou « 't Scheldt », entre 1995 et 2021. Humo (1966-) est à la fois un journal annonçant les programmes télévisés, mais également un hebdomadaire d’information qui publie des caricatures et des textes satiriques.
Hypothèses et pistes de recherche
Le corpus retenu mérite certainement d’être affiné. Il serait utile de consulter systématiquement les exemplaires conservés au Musée international de la presse, au Mundaneum, pour identifier avec précision d’autres journaux satiriques. Il est également probable que des périodiques régionaux sont conservés dans des fonds communaux ou provinciaux qui nous ont échappés. Enfin, il serait utile de dépouiller complètement les journaux retenus, parce que la dimension satirique n’est pas constante : selon l’équipe rédactionnelle, le même titre peut offrir plus ou moins de place à la satire.
D’ores et déjà cependant, se dessinent quelques hypothèses.
Francis Sartorius a déjà largement balisé les relations entre la petite presse française et les publications belges, et le versement des informations de ses ouvrages dans un fichier informatique représenterait déjà un outil formidable pour les recherches ultérieures. À l’époque de la contrefaçon, en 1838, une copie du Charivari français est publiée à Bruxelles, elle deviendra le Charivari belge en 1854, et bénéficie dès lors de dessins et d’un rédactionnel plus attentifs au local7. Mais c’est surtout pour fuir la censure du Second Empire que des journalistes français publient en Belgique. L’exemple de la Lanterne de Rochefort, avec ses innombrables imitations françaises et belges, concrétise une série de transferts particulièrement intéressants. Le Diable au corps emprunte beaucoup aux journaux montmartrois contemporains. Le Canard enchaîné influence également Pan ou Père Ubu, même si ces journaux sont éloignés du positionnement plutôt anarchiste de gauche de l’hebdomadaire français. La question du transfert de modèles, rédactionnels et illustratifs, mérite ainsi d’être posée en diachronie comme en synchronie.
La presse satirique est produite par des journalistes, mais également des intellectuels, des écrivains, des illustrateurs, des artistes. Même si l’anonymat et le recours à de fréquents pseudonymes sont habituels, il est sans doute possible de dessiner progressivement les réseaux à l’œuvre derrière les principaux organes de presse. Cette recherche pourra être versée directement dans le Dictionnaire des journalistes que prépare le groupe de recherches Camille ! Dans son analyse de Haro !, Daphné de Marneffe a bien montré que le journal était lié à d’autres groupes comme La Foi nouvelle ou En Marge, au cours d’une histoire de longue durée et deux séries de publications de la revue. Le schéma général qu’elle a réalisé mérite d’être reproduit ici (fig. 1) :
Fig. 1 : principaux collaborateurs de La Foi nouvelle et des trois séries de Haro
La question de l’autonomie de la presse et de ses relations aux enjeux sociaux et politiques mérite d’être posée. On a déjà souligné l’engagement de certains journaux. Mais cela soulève aussi la question des publics (déjà convaincus ou à convaincre), du caractère explicitement partisan des dessins et des textes (dans le cas de La Trique, comme je l’ai souligné, la satire s’étend même à certains mandataires socialistes, ce qui montre une relative autonomie). Nombre de journaux présentent une sorte de programme dans leur prospectus ou leur première livraison. Il est intéressant d’interroger la représentation qu’ils donnent de leur rôle et de la fonction de la satire.
Dans un pays linguistiquement divisé, quelles peuvent être les interactions entre les journaux satiriques des deux communautés ? Quasiment nulles si l’on observe les périodiques flamands, mais nombre de journaux francophones soutiennent encore, surtout entre les deux guerres, une perspective unitariste, qui leur donne du blé à moudre des deux côtés de la frontière linguistique. Les périodiques patriotiques publiés après la Grande Guerre sont orientés en ce sens. Mais comme les rédacteurs sont souvent bilingues, la recherche par réseaux peut réserver des surprises. Ainsi, Albert Daenens, l’âme de Haro !,anarchiste, mais membre du Secours rouge d’obédience communiste, se retrouve à travailler pour le théâtre amateur en Brabant flamand.
Une dernière piste de recherche me paraît concerner les images. Les études sur la presse française ont montré le phénomène de viralité, qui fait circuler le même dessin ou la même image, parfois avec une nouvelle légende, d’un périodique à l’autre. Dans l’entre-deux-guerres, le phénomène se répand à l’international. Certains journaux réservent même une section particulière aux caricatures publiées à l’étranger. Est-ce le cas dans l’espace belge ? Un exemple tiré de La Cravache (24 novembre 1919) et de Potins et Pantins (19 juillet 1919), repéré un peu par hasard, suggère que cette perspective pourrait être féconde. Pour sa part, la revue mensuelle Grimaces qui paraît en 1927 et qui se dit « satirique et artistique » n’a globalement rien de satirique, mais elle publie un dossier qui reprend des dessins satiriques d’Albert Daenens. On constate ainsi une circulation des caricatures qui mériterait sans doute d’être approfondie (fig. 2 et 3).
Conclusion
Numapresse est mort, vive Numapresse ! Le savoir-faire et les réflexions élaborées pendant le projet coordonné par Marie-Eve Thérenty sont une mine inépuisable pour des travaux ultérieurs. Il me semble que la presse satirique belge forme un ensemble qui mérite quelque attention. Prise dans sa globalité, langues et périodes confondues, elle pose la question des modèles nationaux de la satire : y a-t-il une spécificité belge du discours satirique, qui serait liée à ses objets, ses manières de faire, ses registres ? Est-ce que cette satire évolue au gré des influences extérieures (et lesquelles ?), ou est-ce que les acteurs se transmettent-ils des habitudes et des références propres ? Toute une part méconnue de l’activité journalistique du pays réside dans ces questions, qui vont à rebours du privilège traditionnellement accordé à la presse politique. Il est temps que les opportunités ouvertes par la numérisation rouvrent les grands chantiers d’inventaire et d’analyse réalisés jadis sous les auspices du Centre interuniversitaire sur d’histoire contemporaine (1957-1982), arrêtés faute de moyens et d’une technologie adéquate.
Notes
1 Coups de griffe, prises de bec. La satire dans la presse des années trente, ss la dir. d’Amélie Chabrier et Marie-Astrid Charlier, Bruxelles, Les Impressions nouvelles, 2018.
2 De quoi se moque-t-on ? Satire et liberté d’expression, ss. la dir. de Cédric Passard et Denis Ramond, Paris, CNRS éditions, 2021.
3 Sauf mention contraire, les périodiques cités sont conservés à la Bibliothèque royale de Belgique (KBR), mais un grand nombre seulement dans le Fonds Mertens, avec un seul exemplaire, généralement le premier numéro. Ce fonds devrait être numérisé prochainement. AVB désigne les Archives de la Ville de Bruxelles ; MIP le Musée international de la presse (Mundaneum, Mons). J’indique également les rares liens de numérisation de diverses institutions. Ces tableaux ont été réalisés en collaboration avec Fanny Urbanowiez.
5 Les parcours ultérieurs de certains d’entre eux permettent de les situer dans une frange marginale au sein du POB, qui se traduira par leur attitude dans la période de guerre. Ainsi Jules Lhost est un futur collaborateur du Nouveau journal, membre du parti rexiste, exécuté le 22 mars 1945; Raymond Herreman (1896- ?), collabore au Peuple et au Vooruit ; Léo Campion est un chansonnier anarchiste et franc-maçon connu ; Frans Fischer (1875-1949), collabore épisodiquement au mensuel socialiste Action communale et provinciale, 1921-1940, il est journaliste au Peuple ; Bourquin n’est pas connu ; Antony Vienne est administrateur du Peuple), Arthur Focan (1883-1935), est secrétaire de rédaction du Réveil, en 1913-17, et de L’Action , c’est un notable socialiste de la région du Centre ; Rali est peut-être le dessinateur du journal Bravo en 1940.
6 Laurence Van Yperzele, « La caricature politique belge dans l’entre-deux-guerres à travers la presse francophone », BTNG-RBHC, 1992, 3-4, p. 415-446.
7 Voir Jacques Hellemans, « La contrefaçon illustrée’ par la veine caricaturale », Monte Artium, 7, 2014, p. 267-282.