Viralités des ismes
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MICHEL LACROIX
« Kitty Carlisle, vedette de la production théâtrale américaine Three Waltzes, démontre la manière surréaliste de garder les cheveux en arrière. Et, osons le dire, ça lui va comme un gant1 ». Tomber sur cet étonnant énoncé, quelques entrées plus loin qu’un article sur le chapeau horloge, « fantaisie surréaliste2 », et quelques entrées avant une autre sur « le sport surréaliste des lacets3 », cela fait le bonheur de l’historien de la littérature mâtiné d’analyse du discours que je suis. Surtout quand, parcourant les résultats des requêtes, on peut retrouver les premières explications pertinentes, dont celle de Guy Sylvestre :
« Le surréalisme — que les niais confondent avec le cubisme — est précisément le contraire du cubisme. Au lieu de refléter une construction intellectuelle à propos d’un objet sensible, les surréalistes animent les objets des lueurs sombres de l’inconscient. C’est un art profondément influencé par Freud […] Je me permettrai d’ajouter que la révélation surréaliste en fut plutôt une de connaissances que d’art : les surréalistes ont porté l’attention sur l’inconscient — sexuel surtout — et exploré des domaines méconnus de l’homme4 ».
Aussi incongrue que le rapprochement d’un parapluie et d’une machine à coudre, dans une histoire littéraire centrée sur le livre, la conjonction de ces énoncés est en effet révélatrice d’une dissémination médiatique large et complexe de quelques-unes des catégories centrales de cette histoire, celle du surréalisme en l’occurrence. Et seules sans doute des recherches sur des corpus numériques de grande ampleur, non exclusivement limitée aux rubriques « artistiques » et « littéraires » permettent de telles découvertes ou du moins les facilitent grandement.
La question originale menant à l’enquête dont je présente ici les résultats découle du travail collectif mené dans le cadre de La Vie littéraire au Québec, lequel a l’ambition d’examiner la totalité des processus de production et de reproduction de la littérature québécoise, période par période, à partir des conceptions du littéraire propres aux époques interrogées. Participant au projet depuis 20 ans, j’ai été tout particulièrement impliqué dans les volumes VI et VII, respectivement consacrés aux années 1919-1933 et 1934-1947, en ayant entre autres tâches celle de rédiger le chapitre analysant les rapports au champ littéraire français. Comme je travaille parallèlement, avec Anthony Glinoer, à une sociologie des groupes littéraires, j’ai voulu mettre à l’épreuve une intuition née du croisement de ces deux projets, intuition selon laquelle le champ littéraire québécois aurait été, au sortir de la Deuxième Guerre mondiale, beaucoup plus fortement connecté à l’actualité littéraire française que lors de l’entre-deux-guerres, plus attentif des écoles, avant-gardes et autres conflits entre les groupes ou étiquettes agitant le champ littéraire français. D’où le projet de comparer la circulation respective des termes et noms propres associés au surréalisme et à l’existentialisme, en recourant pour ce faire à la base de données du Répertoire des périodiques du Québec, mise sur pied grâce à l’unique et indispensable talent d’Olivier Lapointe5.
Mon enquête plonge donc dans ces données et s’appuie sur les travaux de l’équipe de la Vie littéraire, ainsi que sur les recherches antérieures autour de ces questions, dont celles, fondatrices, d’André G. Bourassa sur le surréalisme au Québec et d’Yvan Cloutier sur la réception de Sartre au Québec6. Sur un plan plus théorique, outre l’apport bourdieusien, c’est aux réflexions de Michel Espagne sur les multiples formes prises par les transferts culturels que je reviens, encore et toujours7. Je vais me concentrer sur la seule dimension discursive des transferts, dans le présent travail, et laisser ainsi de côté tout ce qui touche à la dimension matérielle des transferts ou au rôle des réseaux, bien que cela a joué un rôle fondamental dans la circulation ou la non-circulation du surréalisme et de l’existentialisme au Québec. Combien d’exemplaires du manifeste surréaliste de 1924, des numéros de la Révolution surréaliste ou des recueils d’Aragon, Breton, Éluard et cie pouvait-on trouver dans les librairies et bibliothèques québécoises, dans l’entre-deux-guerres? Aucune recherche ne s’est penchée sur cette très concrète question, à ma connaissance, mais on peut estimer qu’il y en eut très peu, du fait du faible tirage d’abord, des frais de douanes et de l’absence de distribution ensuite8, ce à quoi s’ajoute la censure cléricale étroite veillant sur les libraires et bibliothèques québécoises et l’accueil extrêmement négatif des écrivains et critiques québécois à l’endroit de la poésie post-symboliste. Cette quasi-impossibilité d’entrer en contact avec les textes des surréalistes a certainement déterminé les façons d’appréhender la notion même de surréalisme. De même, tout indique qu’en 1945 et 1946, et peut-être même au-delà, du fait de nombreuses difficultés matérielles et éditoriales, il n’y avait pour ainsi dire qu’un nombre très limité d’exemplaires des ouvrages de Sartre disponibles dans les librairies québécoises. Cependant, sa venue à Montréal, en 1945 puis en 1946, et la mise en scène de Huis clos, en 1946, par une jeune compagnie québécoise, L’Équipe, ont largement compensé pour créer un effet de mode sartrien, comme on le verra.
Je vais donc me concentrer sur les occurrences des termes « existentialisme », « surréalisme » (et leurs dérivés) dans notre base de données, en m’appuyant sur des recherches complémentaires concernant les principaux noms propres associés à ces mouvements, en notant que l’intérêt, de mon point de vue, est de découvrir quels noms, quelles idées, quels titres on associe aux étiquettes susmentionnées, dans les périodiques de l’époque, plutôt que de postuler que « surréalisme » et « Breton » désignent le même objet, ou peu s’en faut, du point de vue des acteurs de l’histoire littéraire.
Plongeons donc dans ces données, en commençant par l’existentialisme, données qui montrent une spectaculaire hausse de la fréquence des occurrences d’existentialis* à compter de 1946 (Fig. 1). Je vais ici rendre justice à Yvan Cloutier, dont le dépouillement manuel avait pu montrer qu’« une mode intellectuelle Sartre s’est très rapidement répandue dans le champ intellectuel9 », en plus de quantifier les résultats dans un graphique montrant que le sommet est atteint quasi immédiatement, en 1946, avec 72 mentions, après avoir 5 références seulement en 1945, suivi d’une baisse marquée pour tourner entre quinze et trente mentions entre 1947 et 1954 (Fig. 2). Il a eu la main heureuse, si on peut dire, dans la sélection de ses périodiques, puisque son corpus fort restreint de trois périodiques donne sensiblement les mêmes résultats que notre base de données (alors même que l’enquête de Cloutier porte sur les mentions du nom de Sartre, pas sur la désignation « existentialis* » et que notre base ne comporte pas le périodique Notre Temps, qui fournit la majorité des mentions retracées par Cloutier).
Fig. 1 : répertoire des périodiques du Québec, Existentialis*
Fig. 2 : Cloutier, Résultats, p. 60
Cependant, si la courbe des mentions d’existentialisme ou de leur fréquence est semblable à celle des occurrences du nom de Sartre (piste de Cloutier, rappelons-le), quand on examine le nombre de livraisons contenant les termes recherchés, on découvre en fait une très grande stabilité dans les données, avec un sommet en 1952, plutôt (Fig. 3). C’est donc dire que, passé l’effet de mode, qui multiplie le nombre d’occurrences des termes Sartre ou existentialisme dans une même livraison voire dans un même article, ces termes se sont en quelque sorte établis à demeure, dans les périodiques québécois, comme catégories intellectuelles, repères dans la cartographie cognitive collective des périodiques québécois, pour reprendre l’expression de Fredric Jameson.
Fig. 3
Poussons un peu plus loin ce premier aperçu, grâce aux outils de recherche (développés encore et toujours par Olivier Lapointe) pour tirer profit de notre base de données. Quand on suit, de décennie en décennie, la liste des principaux termes revenant dans les articles, ainsi que les digrammes et trigrammes des principales associations de termes (Fig. 4), on voit que dans la décennie 1940-1949, l’existentialisme et les existentialistes sont associés à la philosophie plutôt qu’au roman (75 occurrences contre 21), que ce décalage est moindre, déjà, dans la décennie 1950-1959 (47 contre 27, avec « littérature » prenant la place de « roman »), et est presque équivalent dans la décennie 1960-1969 (27 contre 24), signalant ainsi un déplacement significatif dans les champs intellectuels concernés10.
Fig. 4
De même, dans les binômes, le tout premier de la liste, en 1940-1949, qui n’est pas un nom propre, est « existentialisme chrétien », suivi de près par « existentialiste chrétien ». Dans les décennies suivantes, « existentialisme athée » remonte dans la liste, mais pour devenir à peu près égal à « existentialisme chrétien ». Ces digrammes révèlent une tension structurelle profonde, persistant plus de trente ans, entre deux façons de définir l’existentialisme, tension qui, en fait, dévoile une des premières grandes et inaltérables fissures dans la domination du catholicisme dans le champ philosophique, et plus largement, intellectuel, au Québec. Ce qui fait irruption avec la « mode Sartre », en 1946, à la première page des journaux, c’est la possibilité de débattre intellectuellement de la possibilité d’être athée, la possibilité de trouver hors de l’Église, éventuellement contre elle, quel sens donner à la vie. Pour Cloutier, cette vogue sartrienne dévoile l’existence d’un catholicisme d’ouverture, et donc d’une division au sein même des intellectuels catholiques (division semblable, d’ailleurs, au Québec et en France)11, ce en quoi il avait parfaitement raison (et depuis les travaux ont longuement étudié ce modernisme ou libéralisme catholique12). En fait, pour faire une prolepse analytique, c’est pour l’essentiel un même groupe, celui de La Relève, groupe d’écrivains catholiques « modernistes », qui sert de principale médiation positive pour le surréalisme et l’existentialisme, tout au long des années quarante. Je note en passant l’étrange fréquence du digramme « jeune fille13 », dans la compilation globale des occurrences (1940-1969, Figure V), ainsi que la montée dans la décennie 1960-1969 du terme « marxisme » (Fig. 5), auquel Sartre lui-même a conféré une grande légitimité avec sa Critique de la raison dialectique, mais qui remplacera l’existentialisme comme courant philosophique dominant, dans les années 60.
Fig. 5
Pour revenir sur ma question de départ, Cloutier constatait déjà, dans sa thèse, « le peu de décalage, environ trois mois, entre le temps fort du phénomène Sartre au Québec par rapport à la France14 » et l’examen d’une masse plus grande de périodiques confirme que cette absence de décalage n’est pas le propre de quelques intellectuels ou journalistes, mais caractérise les périodiques québécois dans leur ensemble et constitue ainsi un phénomène massif. Le Québec vit ainsi à l’heure intellectuelle de Paris, au moment même où la relation de domination exercée par la France est contestée avec force par un écrivain et éditeur catholique, Robert Charbonneau, dans La France et nous15.
Je reviendrai plus loin sur ce paradoxe, mais pour l’éclairer avec plus de netteté, il faut nous tourner maintenant vers le recours à l’étiquette « surréalisme/surréaliste » dans les périodiques québécois. Dans son analyse de la place prise par ce mouvement dans l’histoire littéraire québécoise, André G. Bourassa a cherché à retrouver tous les liens, toutes les proximités esthétiques avec le surréalisme, au point de retrouver dans le XIXe siècle québécois quelques filiations « avant la lettre ». Il a cependant été contraint de constater que « la première influence directe du surréalisme au Québec s’est exercée durant la guerre [la Seconde Guerre mondiale]16 ». Les données numériques confirment que cela vaut tout aussi bien pour l’influence indirecte, celle opérée par le biais des discours. Le graphe de la fréquence des mentions en est très révélateur, surtout quand on sait que le petit pic de 1925 correspond en fait à un total global de quatre articles. De plus, le chiffre des fréquences montre que le premier sommet de 1938 est huit fois moins élevé que celui atteint par l’existentialisme en 1946. Cependant, si on exclut cette exceptionnelle année 1946, de 1947 à 1950, surréalisme et existentialisme ont des fréquences comparables (Fig. 6).
Fig. 6
Quand on examine de plus près les mentions évoquant le surréalisme on découvre qu’avant 1936, elles sont minimalistes et négatives, confondant souvent surréalisme, dadaïsme, futurisme ou cubisme dans une commune réprobation, sans même prendre la peine d’évoquer un seul nom propre, signe de l’absence totale de légitimité. Ainsi Jean Rameau juxtapose-t-il cubisme et surréalisme dans un article transformant la réception positive de ces mouvements en signe que la civilisation française s’écroule (rien de moins) : « Que des imbéciles vantent ces choses-là, que des spéculateurs les achètent, comme ils achèteraient des charbonnages ou des pétroles — et avec le même souci d’art — […] cela peut être drôle, quoiqu’immoral. Mais que la France en pâtisse, […] voilà qui est grave17 ». Même confusion dans L’Ordre, en 1934, dans un article repris de La Nation belge, où l’on dénonçait un formulaire incompréhensible des impôts : « Que l’administration des finances ait versé dans l’expressionnisme le plus tourneboulatoire, le surréalisme le plus affolant et le dadaïsme le plus infantile n’était plus un secret18 ». En fait, il faut attendre 1938 avant qu’on associe, dans les périodiques, le surréalisme à des titres d’œuvres littéraires. Or il s’agit alors d’œuvres d’écrivains anglophones, dont Lewis Carroll. Ce ne sera qu’en 1943 que l’on nommera enfin un livre d’André Breton, Fata Morgana en l’occurrence. Il y a ainsi un très net et systématique refoulement du surréalisme, allant jusqu’à effacer complètement les titres des livres, compliquant ainsi toute improbable velléité d’en apprendre davantage sur ce groupe. Le surréalisme est alors un objet de mépris et de ridicule, l’ironie suprême étant atteinte par la publication d’une blague sur la poésie surréaliste, avant toute diffusion au Québec d’un véritable poème surréaliste, ne serait-ce que par extraits.
Vers 1934-36, cependant, le rapport au surréalisme commence à se modifier, et l’on voit les premières citations apparaître19, de pair avec des descriptions moins polémiques. Annette La Salle, par exemple, dans une conférence sur « quelques aspects de la poésie moderne », publiée dans L’Ordre en 1935, rappelle la volonté de « transporter directement dans l’écriture le langage des rêves », tout en estimant qu’il s’agit là d’un point limite « bien voisin de l’absurde20 ». Et un an plus tard, dans Le Devoir, une des citadelles du conservatisme en art et en littérature, Maurice Gagnon, un des premiers critiques artistiques favorables au surréalisme (puis à l’automatisme) le présente comme « recherche [d]es données primordiales de l’individu », appuyée sur Bergson et Freud et dirigée contre « les principes de la civilisation actuelle21 ». Enfin, en 1940, dans Le Droit, Guy Sylvestre, un des principaux commentateurs de l’existentialisme, quelques années plus tard, et proche de La Relève22, peut s’opposer à l’étiquette de surréaliste apposée à Regards et jeux dans l’espace de Saint-Denys Garneau par Maurice Hébert23, en prenant appui sur une connaissance esthétique plus poussée : « que la poésie de Regards et jeux ressemble matériellement à celle des grands surréalistes tels que Breton, Éluard ou Crevel, je le constate; mais que la conception de la poésie soit formellement surréaliste, voilà ce que je ne saurais admettre. […] Je ne crois pas qu’on puisse trouver chez nous une poésie plus intellectualiste que celle de M. de Saint-Denys Garneau24 ».
Dans l’ensemble, ces résultats confirment mon hypothèse, selon laquelle les périodiques québécois ne visent pas, dans l’entre-deux-guerres, à rendre compte des changements connus par la littérature française contemporaine, au moment même où ils se produisent. Du moins pour ce qui est du pôle le plus avant-gardiste du champ littéraire, car il y a une plus grande attention portée aux élections à l’Académie française… Ce n’est qu’après dix voire quinze ans que la référence au surréalisme passe de l’entrefilet sur d’étranges soubresauts artistiques et littéraires outre-mer pour être intégrée dans le discours de la critique artistique et littéraire25, passage qui correspond aussi à celui de la presse quotidienne et hebdomadaire vers les revues et qui s’opère, par ailleurs, au moment où le surréalisme est déjà entré dans l’histoire littéraire française contemporaine. Ce n’est donc pas tant comme courant artistique ou littéraire contemporain que sous les aspects d’une école déjà légitimée que le surréalisme devient objet de discours sérieux au Québec.
Je reviendrai aussi sur le rapport entre journaux et revues, souhaitant plutôt, à cette étape-ci, remettre en question le caractère trop satisfaisant de mes résultats de recherche. Tout heureux de la confirmation du « retard » surréaliste et de la contemporanéité quasi simultanée de la référence à l’existentialisme, j’ai étendu ma recherche aux années 1910 et aux références au cubisme et au futurisme. Or, loin de correspondre aux résultats obtenus au sujet du surréalisme, la courbe de leur fréquence (Fig. 7 et 8) suit plutôt celle de l’existentialisme, celle d’une prise en compte relativement rapide, suivie d’une baisse progressive. Autrement dit, le surréalisme serait l’exception plutôt que la règle et les périodiques québécois se révèleraient ainsi « à l’heure de Paris » bien plus tôt qu’il aurait été possible de le penser. Tel est du moins la lecture de surface, celle induite par les indicateurs quantitatifs, car plusieurs bémols importants doivent immédiatement être apportés, pour ne pas dire une révision radicale, dès lors que l’on plonge dans les périodiques eux-mêmes, pour explorer l’usage des désignations associées à ces différents mouvements artistiques et littéraires.
Fig. 7 : fréquence relative de « cubis.* »
Fig. 8 : fréquence relative de « futuris.* »
La prise en compte du cubisme et du futurisme, bien que plus « rapide » que celle du surréalisme, est pourtant tout aussi négative et caricaturale qu’elle a pu l’être pour le surréalisme avant la fin des années trente, ceci en fonction d’un mécanisme d’hyperbole et de ridicule qui fait penser aux aventures contemporaines du mot « woke ». On n’en parle guère que pour montrer qu’il n’y a rien à y comprendre, car, selon les mots d’Andrée Claudel, correspondante à Paris de plusieurs journaux québécois, c’est « l’œuvre de déséquilibrés26 ». Allant plus loin dans l’humour et l’incompréhension, d’un même élan, les caricaturistes et journalistes de La Presse, dans le cadre d’une des chroniques satiriques, celle du Père Ladébauche, présentent le cubisme comme « l’art au pied cube27 », « comme son nom l’indique », et le futurisme comme manière de « faire du dessin sans forme et de la peinture sans couleurs », en plus d’agrémenter la chronique de plusieurs illustrations, commençant par des portraits « cubistes » des premiers ministres du Canada et du Québec, Robert Borden (Fig. 9) et Lomer Gouin (Fig. 10), pour aller vers un « tableau » entièrement noir, censé représenter « le programme naval du gouvernement Borden, tel qu’exposé à Londres au salon des impérialistes futuristes » (Fig. 11), en passant par le dessin d’une carotte28, présenté comme « portrait moral du député de chez nous », selon la méthode du « futurisme impressionniste » (Fig. 12). On transforme ainsi la « blague » qui constituerait l’essence des écoles en question, en source de blagues au second degré, quitte à réduire la compréhension du cubisme à l’usage de formes géométriques. Le dessin manifeste ici, au-delà de l’humour, le refus de comprendre et l’absence complète de véritables références aux toiles de Braque, Gris ou Picasso.
Fig. 9 : Robert Borden
Fig. 10 : Lomer Gouin
Fig. 11 : « Ce tableau représente le programme naval du gouvernement Borden, tel qu’exposé à Londres au salon des impérialistes futuristes »
Fig. 12 : « Portrait moral du député de chez nous »
Par ailleurs, cette prise en compte est strictement le fait des quotidiens et des hebdomadaires, soit sous la forme de « lettres de Paris », soit par la reprise d’articles de journaux français (pas toujours spécifiée comme telle d’ailleurs), n’atteignant les revues artistiques ou littéraires que dix ou quinze ans plus tard, ce qui correspond à la temporalité et au mode de réception du surréalisme. De même, il y a une prédilection particulière, dirait-on, à parler de chapeaux et de cuisine futuristes, renvoyant ainsi le terme à des questions de mode, de snobisme et de fausse distinction.
On peut par ailleurs noter que la fréquence des termes demeure relativement basse, même dans les pointes les plus grandes, surtout pour le cubisme, et que pour le futurisme un certain nombre d’amalgames faussent les données. Le pic de 1916 est ainsi en grande partie dû aux publicités autodésignant le pianiste et compositeur américain Léo Ornstein comme « pianiste futuriste29 ». Le plus étonnant, cependant, est sans doute l’apparition de l’expression « hockey futuriste » pour désigner ce qui est en fait un autre sport, le ballon-balai. Enfin, comme la hausse des occurrences de surréalisme, à la fin des années trente, concerne pour une bonne part les expositions artistiques, peut-être y a-t-il une plus grande circulation des termes associés à la peinture qu’à la littérature, éventuellement liée au caractère mondain des expositions, en particulier en ce qui a trait à celles qui passent par les États-Unis.
Ce ne sont là que quelques coups de sonde dans la masse discursive des périodiques québécois, et la rapidité du survol doit évidemment être complétée par des examens plus précis, plus minutieux des articles ainsi découverts, des principales médiations, sans compter l’intégration dans l’examen des facettes matérielles et réticulaires des transferts culturels. Ainsi, dans des recherches précédentes, j’ai pu découvrir qu’au même moment où Louise-Alphonsine Nantel/Andrée Claudel ridiculise systématiquement cubisme et futurisme dans ses lettres de Paris publiées dans les journaux du Québec, une autre canadienne-française, Yvonne Le Maître, publiant dans un journal anglais de Lowell, aux États-Unis (le lieu de naissance de Jack Kerouac), rend compte avec clarté et compréhension de ces mouvements artistiques30.
Bien que cet examen de la circulation des étiquettes « groupales » ne soit qu’un premier coup de sonde, je vais tout de même avancer quelques observations à portée plus générale. La première pour souligner la relative vitesse de circulation des étiquettes associées aux groupes avant-gardistes français dans les périodiques québécois, « viralité » reposant pour une bonne part sur la reproduction de coupures ou d’articles précédemment publiés en France. Le caractère superficiel de l’usage des désignations, lors des premières années (une décennie ou davantage) met sans doute en évidence que c’est la logique du scandale, du « fait-divers culturel » qui prédomine, bien davantage que tout cadrage discursif venu des champs artistique ou littéraire, en France ou au Québec. Dans cette matrice médiatique, l’importance de la couverture médiatique « internationale » agit comme vecteur de diffusion, même quand il s’agit, en fait, d’un refus de principe, exprimé sans ambages par Andrée Claudel : « n’essayez pas de comprendre31 ». Par sa rediffusion des usages superficiels de ces termes, les périodiques québécois postulent en quelque sorte que, pour ses lecteurs, il importe de savoir quels sont les plus récents mouvements esthétiques, ceci pour mieux les rejeter, comme s’il s’agissait de vivre non pas tant à l’heure de Paris qu’à celle de la bourgeoisie de Paris, telle que cette dernière peut être médiatisée par ses journaux.
Ce serait donc le conservatisme esthétique sous-jacent des périodiques qui favorise, paradoxalement, la circulation des étiquettes avant-gardistes. Une partie des extraits découverts dans ces recherches témoignent précisément de la profonde ambivalence envers les « ismes », tendue entre volonté de connaître, doute envers les engouements du snobisme, domination française et conservatisme buté. Édouard Chauvin, qui fit partie d’un groupe accusé de « parisianisme32 » y reconnaît un fait structurant de l’histoire littéraire canadienne-française — « nos poètes canadiens ont suivi de près ceux de France et furent de presque toutes les écoles qui surgirent à Paris » —, concède un certain retard temporel — « Ils en suivirent le mouvement tardivement peut-être et après-coup » —, pour cependant condamner « toute la pauvre littérature en isme des années d’après-guerre ». Plus brutal, Louis Breton osait un pauvre jeu de mots sur « ces temps de symbolisme, de décadentisme, de futurisme, et tous ces mots en isme qui riment, fort à propos, avec crétinisme33 », bien que partisan lui-même du nationalisme.
Pour une bonne part, par ailleurs, ces « ismes » constituent des catégories fantasmatiques, en particulier pour le surréalisme, qui existe « sans œuvre » pendant près de quinze ans. D’une certaine manière, la recherche rejoint ici le constat opéré au sujet de la bohème, par Anthony Glinoer34 : l’imaginaire de la bohème a en effet circulé largement, au Québec comme ailleurs, engendrant enthousiasmes et oppositions, bien que découplé des pratiques concrètes (mais susceptibles d’en engendrer). Il faudrait pouvoir comparer la circulation respective de ces différents « ismes » dans d’autres pays, pour voir, du côté de la France, de quels périodiques proviennent tous ces entrefilets péjoratifs, aussi bien les textes plus développés, plus descriptifs ou analytiques, que les articles plus complexes, et du côté de la réception internationale, examiner la courbe et les dates des occurrences. Ceci contribuerait à distinguer un peu plus finement les différents modes ou facettes des transferts culturels : imaginaire des groupes artistiques, littéraires ou intellectuels, matrice médiatique, circuits matériels des réseaux, expositions, galeries, musées et librairies, etc. On peut postuler, à cet égard, que la médiation américaine, celle des médias, réseaux et institutions new-yorkaises en particulier, a probablement structuré une relation culturelle triangulaire, surtout à compter des années 1940.
Sous l’opposition entre la presse quotidienne ou hebdomadaire, d’un côté, et les revues de l’autre, telle que dévoilée dans l’examen des usages différenciés des « ismes », je retrouve des interrogations récurrentes sur les « matrices médiatiques » des différentes catégories de périodiques, ainsi que sur le rôle de ces médias dans l’histoire des champs (littéraire, certes, mais aussi artistique et intellectuel). J’avancerais à ce sujet, à titre d’hypothèse, que lorsqu’une étiquette, une catégorie ou un objet de discours propre à un champ donné circule largement et simultanément dans la presse aussi bien que dans les revues, même si c’est sous des formes superficielles ou caricaturales, cela dévoile un phénomène majeur du champ en question, en même temps que l’importance de ce champ dans l’espace public, le discours social. J’irais même jusqu’à proposer que cela soit particulièrement vrai des « ismes », des étiquettes désignant des écoles, groupes ou mouvements esthétiques et intellectuels, à tout le moins au cours du XXe siècle. Autrement dit, ce serait seulement ou principalement (j’hésite encore pour l’adverbe) dans la conjonction discursive de l’actualité fabriquée par les journaux35 et de la contemporanéité fabriquée par les revues, que l’histoire artistique et littéraire se fait au présent.
Notes
1 « Le futurisme dans la coiffure », La Patrie, 4 mars 1938. Je remercie Rachel Lamoureux pour le précieux travail de repérage des occurrences.
2 « Le chapeau horloge », Photo Journal, 15 mai 1937.
3 Marcel Desjardins, « Le sport des lacets », Le Droit, 9 février 1939 : « Peut-on lire le caractère en examinant la façon dont l’individu noue ses lacets? Parfaitement. […] L’homme surréaliste commence par le haut et se trouve à faire la boucle près des orteils ». Ajoutons à cette référence la légende accompagnant la photographie d’une joueuse de tennis, publiée quelques mois plus tôt et de toute évidence tirée d’une agence de presse américaine : « Ce costume de tennis surréaliste a fait sensation au club de Spring Lake, New Jersey », « Surréalisme », La Patrie, 15 juillet 1938.
4 Guy Sylvestre, « Peinture moderne », Le Droit, 8 février 1941.
5 Voir la présentation de cette base de données par Olivier Lapointe et Chantal Savoie, ci-contre.
6 André G. Bourassa, Surréalisme et littérature québécoise, Montréal, L’Étincelle, 1977; Yvan Cloutier, « Sartre au Québec, 1945-1954 », thèse de doctorat, UQTR, 1988, « Les dominicains et l’import-export : psychanalyse et existentialisme au Québec », Horizons philosophiques, vol. 2, no 1, automne, 1991, p. 91–105, « Sartre à Montréal en 1946 : une censure en crise », Horizons philosophiques, vol. 23, no 2, hiver, 1998, p. 266–280, « Philosophie et marketing : Sartre à Montréal, mars 1946 », Philosophiques, vol. 15, no 1, printemps, 1988, p. 169–190.
7 Michel Espagne, Les transferts culturels franco-allemands, PUF, Paris, 1999.
8 Avant la Deuxième Guerre mondiale, même les ouvrages les plus populaires du champ français n’écoulaient guère qu’une cinquantaine d’exemplaires au Québec.
9 Yvan Cloutier, « Sartre au Québec, 1945-1954 », op. cit., p. 6.
10 Pour creuser si ce déplacement est principalement induit par la trajectoire de Sartre lui-même, par le positionnement des Temps modernes ou l’évolution respective des champs littéraire et philosophique français, par la réception internationale (dont le fameux prix Nobel de littérature de 1964) ou par les transformations locales de ces champs, ou encore si la médiation propre aux périodiques et au poids respectif de la philosophie et de la littérature dans leur matrice médiatique a infléchi la caractérisation de l’existentialisme, cela demanderait des recherches plus fouillées que celles menant au présent travail. On peut avancer l’hypothèse que l’absence de réception des premiers textes littéraires de Sartre (La Nausée et Le Mur, donc de la première phase de sa carrière) a pu laisser plus de place, dans les années 1940-1949, au versant philosophique de son œuvre, pour les médiateurs québécois.
11 Yvan Cloutier, « Sartre au Québec, 1945-1954 », op. cit., p. 150.
12 La référence cruciale, à ce sujet, demeure : E.-Martin Meunier et Jean-Philippe Warren, Sortir de la « Grande Noirceur ». L’horizon « personnaliste » de la Révolution tranquille, Québec, Septentrion, 2002. Mais on consultera avec profit l’éclairante étude de Cécile Vanderpelen, Mémoire d’y croire. Le monde catholique et la littérature au Québec (1920-1960), Québec, Nota Bene, 2007.
13 Fréquence qui n’est pas liée aux Mémoires d’une jeune fille rangée, de Beauvoir, contrairement à ce que l’on peut penser spontanément. C’est davantage associé, d’un côté, au style de vie associé à l’existentialisme, et de l’autre au danger spécifique que constitue l’existentialisme pour la moralité des jeunes filles.
14 Yvan Cloutier, « Sartre au Québec, 1945-1954 », op. cit., p. 150
15 Robert Charbonneau, La France et nous. Journal d’une querelle, Montréal, l’Arbre, 1947.
16 André G. Bourassa, Surréalisme et littérature québécoise, op. cit., p. 57. Pour un examen basé sur les traces laissées dans les correspondances ou des entrevues avec des acteurs de la période, on pourra se tourner vers les découvertes exposées par Jean-François Richard, dans « Un cerveau géminé et ses réseaux : littérature, science et relations France-Québec chez Louis-Marcel Raymond », mémoire de maîtrise, Université du Québec à Trois-Rivières, 2008, ainsi que vers la magistrale synthèse de François-Marc Gagnon, Chronique du mouvement automatiste québécois, 1941-1954, Montréal, Lanctôt, 1998. Le premier travail retrace les liens que Raymond, lors de ses séjours à New York lors de la Seconde Guerre mondiale, a noués avec Robert Goffin, puis Ivan Goll, ce qui l’a conduit à rencontrer Breton (et à lui suggérer un séjour à Gaspé, comme l’avait fait Ivan Goll, lui aussi fasciné par les agates du Rocher-Percé) et à parler de la revue Tropiques de Césaire dans La Nouvelle Relève. Gagnon, de son côté, montre que c’est n’est pas Borduas, le maître de l’école automatiste, mais ses disciples qui rencontrèrent Breton. Thérèse Renaud le fit dans le cadre de son travail d’assistante domestique pour Pierre Matisse, dont la galerie était un lieu de sociabilité des surréalistes exilés. Elle est entrée en relation épistolaire avec Breton. Fernand Leduc, pour sa part, eut une courte relation épistolaire avec celui-ci, en 1943, longtemps interprétée comme « principale cause d’un certain froid entre Breton et le groupe montréalais », comme le rapporte Gagnon (p. 106). Bien que plein d’enthousiasme à l’endroit de Breton, Leduc n’annonce pas l’adhésion en bloc des Automatistes au surréalisme. Pire encore, d’une certaine manière, Leduc désignait Borduas comme leur maître.
17 Jean Rameau, « Surréalisme et cubisme », La Patrie, 18 janvier 1929. Tout indique qu’il s’agit d’un article reproduit d’un journal français, mais sans mention de provenance.
18 Gallo, « Le fisc et les dadaïstes », L’Ordre, 26 juillet 1934.
19 Je dois noter, ici, l’étrange exception d’un article de Jean Goudal intitulé « Surréalisme et cinéma », dans La Revue moderne de juillet 1925 (p. 17-19), certainement reproduit d’un périodique français, qui présente comme connu « l’essentiel des thèses surréalistes » sur « l’activité inconsciente de l’esprit », la recherche d’une « réalité supérieure à celle que nous propose l’exercice logique », l’importance accordée par eux au rêve, avant d’expliquer pourquoi le cinéma représente pour eux cette « hallucination consciente » qu’ils cherchent à exprimer dans leurs textes littéraires. On y trouve le nom d’André Breton et des extraits du premier manifeste surréaliste, mais sans titre ni référence. D’ailleurs, aucune œuvre surréaliste n’est mentionnée, qu’elle soit cinématographique ou littéraire.
20 Annette la Salle, « Quelques aspects de la poésie moderne », L’Ordre, 7 février 1935.
21 Il faut dire qu’il s’agit d’un article rendant compte d’une présentation de Gagnon à la « Société d’études et de conférences » sur « Le Renouveau moderne dans la peinture française », pas d’un article de Gagnon lui-même : anonyme, « Société d’études et de conférences », Le Devoir, 13 novembre 1937.
22 Quelques détails sur l’histoire littéraire québécoise s’imposent ici, pour faire comprendre la signification de cette affiliation. Petite revue de jeunes intellectuels catholiques, fondée en 1934 et dirigée par Robert Charbonneau et Paul Beaulieu, La Relève se transforma en Nouvelle Relève en 1941, au moment de la fondation par Charbonneau et Claude Hurtubise des Éditions de l’Arbre. Très proches de Maritain, mais inspirés aussi par Bernanos, Claudel, Copeau, Ghéon et Mauriac, les écrivains de La Relève tentèrent de concilier, tant bien que mal, les plus hautes exigences de la foi et de l’engagement catholiques avec la reconnaissance de l’autonomie de la littérature, en tentant qui plus est de tenir compte de la rupture moderniste de Baudelaire aux surréalistes en passant par Rimbaud. Ils se retrouvèrent ainsi en tension avec les positions officielles de l’Église et manifestèrent leur opposition à Franco, puis à Pétain, au point de faire de La Nouvelle Relève une des principales revues de la résistance intellectuelle française en Amérique. Références Vanderpelen, Facal, etc. La principale figure littéraire issue de La Relève fut le poète Saint-Denys Garneau, qui publia Regards et jeux dans l’espace en 1937 et mourut prématurément en 1943.
23 Oncle de Saint-Denys Garneau et critique dans Le Canada français de l’Université Laval, où il avait rendu fait une critique ambivalente de son recueil Regards et jeux dans l’espace (« Regards et jeux dans l’espace », Le Canada français, vol. 36, no 5, janvier 1939, p. 464-477), notant qu’on y touche « une pointe de surréalisme » (p. 474). Selon toute vraisemblable, Hébert a fait ce rapprochement un an plus tôt, lors de sa chronique hebdomadaire sur les ondes de Radio-Canada : Saint-Denys Garneau lui écrit, le 4 mai 1938, signalant à Hébert qu’il vient de s’apercevoir « que [son] nom se promène en l’air dans tout le Canada », avant d’enchaîner en écrivant « Prlant de poètes surréalistes, connais-tu Charles Doyon » (De Saint-Denys Garneau, Lettres, Michel Biron [éd.], Montréal, Les Presses de l’Université de Montréal, 2020, p. 704. C’est dans ce même volume qu’on découvre ce qui est sans doute une des premières mentions de la circulation concrète d’ouvrages surréalistes au Québec. Dans une lettre à Robert Élie, il indique que son oncle a un goût ouvert et a « tout de suite accueilli et aimé Éluard » (Ibid, p. 728). On peut donc en postuler que Saint-Denys Garneau et Hébert ont tous deux lu un des recueils d’Éluard, probablement Capitale de la douleur.
24 Swann [pseudonyme de Guy Sylvestre], « De Saint-Denys Garneau », Le Droit, 5 janvier 1940.
25 Pour François-Marc Gagnon, c’est essentiellement à compter de la publication en 1940 de La Peinture moderne, par François-Marc Gagnon, qu’une véritable prise en compte critique du surréalisme se manifeste. Mais on a pu voir, ci-dessus, que cela avait commencé, en fait, par Gagnon lui-même, mais aussi d’autres acteurs dont Annette La Salle, par le biais de conférences et d’articles dans les journaux. Il est cependant fort clair que le succès des expositions des Automatistes fut un facteur majeur dans la « naturalisation » du surréalisme comme catégorie historique et analytique et non plus seulement polémique ou superficielle. Celle de 1943 à l’Ermitage, dont le catalogue est préfacé par Gagnon, qui qualifie ouvertement de surréaliste les œuvres de Borduas, a tout particulièrement orienté la réception critique dans les médias.
26 Andrée Claudel [pseudonyme de Louise-Alphonsine Nantel], « Les futuristes », Le Pays, 6 avril 1912; « Il est impossible de découvrir quoi que ce soit de sensé dans leurs toiles », affirme-t-elle, ajoutant que « pour oublier ces horreurs, il ferait bon d’aller au Louvre ». La « décadence du futurisme » n’est rien d’autre qu’une « fumisterie monumentale ».
27 Ladébauche, « En roulant ma boule », La Presse, 28 septembre 1912.
28 On se serait plutôt attendu à un navet qu’à une carotte, cependant…
29 Huit occurrences de cette expression publicitaire, en 1916, quatre en 1917.
30 Voir à ce sujet l’article écrit avec Nadia Zurek : « Une journaliste franco-américaine au seuil de l’avant-garde : l’espace des possibles d’Yvonne Le Maître (1876-1954) », Recherches féministes, vol. 24, no 1, 2011, p. 77-100.
31 Andrée Claudel, « Lettre parisienne. Les étrangers à Paris, malgré le froid. Encore le futurisme. Déjeuners à Sir Lomer », La Patrie, 5 avril 1913.
32 Je veux parler ici du groupe du Nigog. J’ai examiné ce qualificatif, celui de « francissons » et le nom plus courant du groupe, celui des « exotiques », dans L’Invention du Retour d’Europe : réseaux transatlantiques et transferts culturels, Québec, Presses de l’Université Laval, « Cultures québécoises », 2014.
33 Louis Breton. « Billet du soir », Le Devoir, 12 juin 1913.
34 Anthony Glinoer, « D’une bohème l’autre. Transfert d’une posture d’écrivain entre la France et le Québec », dans Marie-Ève Thérenty et Alain Vaillant (dir.), Presse, nation et mondialisation au XIXe siècle, Paris, Nouveau monde éditions, 2010, p. 351-366.
35 Pour la notion de matrice médiatique et la fabrique de l’actualité, je renvoie bien sûr aux travaux de Marie-Ève Thérenty, La littérature au quotidien. Poétiques journalistiques au XIXe siècle, Paris, Seuil, « Poétique », 2007.