La presse en scène

Annexe 2. Loi du 9 septembre 1835

Table des matières

BARBARA T. COOPER

Loi du 9 septembre 1835, Moniteur Universel,n° 253 (le 10 septembre 1835), p. 2075.

Loi relative aux crimes, délits et contraventions de la presse et autres moyens de publication.

Titre I - Des crimes, délits et contraventions.

Art. 1er : Toute provocation, par l’un des moyens énoncés en l’article 1er de la loi du 17 mai 1819, aux crimes prévus par les articles 86 et 87 du Code pénal, soit qu’elle ait été ou non suivie d’effet, est un attentat à la sûreté de l’État.

Si elle a été suivie d’effet, elle sera punie conformément à l’article 1er de la loi du 17 mai 1819.

Si elle n’a pas été suivie d’effet, elle sera punie de la détention et d’une amende de dix mille à cinquante mille francs.

Dans l’un comme dans l’autre cas, elle pourra être déférée à la Chambre des pairs, conformément à l’article 28 de la Charte.

Art. 2 : L’offense au roi, commise par les mêmes moyens, lorsqu’elle a pour but d’exciter à la haine ou au mépris de sa personne ou de son autorité constitutionnelle, est un attentat à la sûreté de l’État.

Celui qui s’en rendra coupable sera jugé et puni conformément aux deux derniers paragraphes de l’article précédent.

Art. 3 : Toute autre offense au roi sera punie conformément à l’article 9 de la loi du 17 mai 1819.

Art. 4 : Quiconque fera remonter au roi le blâme ou la responsabilité des actes de son gouverne-ment sera puni d’un emprisonnement d’un mois à un an et d’une amende de cinq cents à cinq mille francs.

Art. 5 : L’attaque contre le principe ou la forme du gouvernement établi par la Charte de 1830, tels qu’ils sont définis par la loi du 29 novembre 1830, est un attentat à la sûreté de l’État, lorsqu’elle a pour but d’exciter à la destruction ou au changement du gouvernement. Celui qui s’en rendra coupable sera jugé et puni conformément aux deux derniers paragraphes de l’article 1er.

Art. 6 : Toute autre attaque prévue par la loi du 29 novembre 1830 continuera d’être punie conformément aux dispositions de cette loi.

Art. 7 : Seront punis des peines prévues par l’article précédent, ceux qui auront fait publiquement acte d’adhésion à toute autre forme de gouvernement, soit en attribuant des droits au Trône de France aux personnes bannies à perpétuité par la loi du 10 avril 1832, ou à tout autre que Louis-Philippe 1er et sa descendance ;

Soit en prenant la qualification de républicain ou toute autre incompatible avec la Charte de 1830 ;

Soit en exprimant le vœu, l’espoir ou la menace de la destruction de l’ordre monarchique constitutionnel, ou de la restauration de la dynastie déchue.

Art. 8 : Toute attaque contre la propriété, le serment, le respect dû aux lois ; toute apologie de faits qualifiés crimes et délits par la loi pénale ; toute provocation à la haine entre les diverses classes de la société, sera punie des peines portées par l’article 8 de la loi du 17 mai 1819.

Néanmoins, dans les cas prévus par le paragraphe précédent et par l’article 8 de la loi précitée, les tribunaux pourront, selon les circonstances, élever les peines jusqu’au double du maximum.

Art. 9 : Dans tous les cas de diffamation prévus par les lois, les peines qui sont portées pourront, suivant la gravité des circonstances, être élevées au double du maximum, soit pour l’emprisonnement, soit pour l’amende. Le coupable pourra, en outre, être interdit, en tout ou partie, des droits mentionnés dans l’article 42 du Code pénal, pendant un temps égal à la durée de l’emprisonnement.

Art. 10 : Il est interdit aux journaux et écrits périodiques de rendre compte des procès pour outrages ou injures, et des procès en diffamation, où la preuve des faits diffamatoires n’est pas admise par la loi ; ils pourront seulement annoncer la plainte sur la demande du plaignant ; dans tous les cas, ils pourront insérer le jugement.

Il est interdit de publier les noms des jurés, excepté dans le compte rendu de l’audience où le jury aura été constitué.

Il est interdit de rendre compte des délibérations intérieures, soit des jurés, soit des cours et tribunaux.

L’infraction à ces diverses prohibitions sera poursuivie devant les tribunaux correctionnels, et punie d’un emprisonnement d’un mois à un an, et d’une amende de cinq cents à cinq mille francs.

Art. 11 : Il est interdit d’ouvrir ou annoncer publiquement des souscriptions ayant pour objet d’indemniser des amendes, frais, dommages et intérêts prononcés par des condamnations judiciaires. Cette infraction sera jugée et punie comme il est dit à l’article précédent.

Art. 12 : Les dispositions de l’article 10 de la loi du 9 juin 1819 sont applicables à tous les cas prévus par la présente loi. En cas de seconde ou ultérieure condamnation contre le même gérant ou contre le même journal dans le cours d’une année, les cours et tribunaux pourront prononcer la suspension du journal pour un temps qui n’excédera pas deux mois, suivant la loi du 18 juillet 1828. Cette suspension pourra être portée à quatre mois si la condamnation a eu lieu pour crime.

Les peines prononcées par la présente loi et par les lois précédentes sur la presse et autres moyens de publication, ne se confondront point entre elles, et seront toutes intégralement subies lorsque les faits qui y donneront lieu seront postérieurs à la présente poursuite.

Titre II. Du gérant des journaux et écrits périodiques.

Art. 13 : Le cautionnement que les propriétaires de tout journal ou écrit périodique sont tenus de fournir sera versé, en numéraire, au Trésor, qui en paiera l’intérêt au taux réglé pour les caution-nements.

Le taux de ce cautionnement est fixé comme il suit :

Si le journal ou écrit périodique paraît plus de deux fois par semaine, soit à jour fixe, soit par livraison et irrégulièrement, le cautionnement sera de cent mille francs.

Le cautionnement sera de soixante-quinze mille francs, si le journal ou écrit périodique ne paraît que deux fois par semaine.

Il sera de cinquante mille francs, si le journal ou écrit périodique ne paraît qu’une fois la semaine.

Il sera de vingt-cinq mille francs, si le journal ou écrit périodique paraît seulement plus d’une fois par mois.

[...]

Il est accordé aux propriétaires des journaux ou écrits périodiques actuellement existants, un délai de quatre mois pour se conformer à ces dispositions.

Art. 14 : Continueront à être dispensés de tout cautionnement les journaux et écrits périodiques mentionnés en l’article 3 de la loi du 18 juillet 1828.

Art. 15 : Chaque gérant responsable d’un journal ou écrit périodique devra posséder, en son propre et privé nom, le tiers du cautionnement.

Dans le cas où, soit des cessions totales ou partielles de la portion du cautionnement appartenant à un gérant, soit des jugements passés en force de chose jugée, prononçant la validité de saisies-arrêts formées sur ce cautionnement, seraient signifiées au Trésor, le gérant sera tenu de rapporter, dans les quinze jours de la notification qui lui en sera faite, soit la rétrocession, soit la mainlevée de la saisie-arrêt ; faute de quoi le journal devra cesser de paraître, sous les peines portées en l’article 6 de la loi du 9 juin 1819.

Art. 16 : Conformément à l’article 8 de la loi du 18 juillet 1828, le gérant d’un journal ou écrit périodique sera tenu de signer, en minute, chaque numéro de son journal.

Toute infraction à cette disposition sera poursuivie devant les tribunaux correctionnels, et punie d’une amende de cinq cents francs à trois mille francs.

Art. 17 : L’insertion des réponses et rectifications prévues par l’article 11 de la loi du 25 mars 1822 devra avoir lieu dans le numéro qui suivra le jour de la réception ; elle aura lieu intégrale-ment, et sera gratuite ; le tout sous les peines portées par ladite loi.

Toutefois, si la réponse a plus du double de la longueur de l’article auquel elle sera faite, le surplus de l’insertion sera payé suivant le tarif des annonces.

Art. 18 : Tout gérant sera tenu d’insérer, en tête du journal, les documents officiels, relations authentiques, renseignements et rectifications qui lui seront adressés par tout dépositaire de l’autorité publique ; la publication devra avoir lieu le lendemain de la réception des pièces, sous la seule condition du paiement des frais d’insertion.

Toute autre insertion réclamée par le gouvernement, par l’intermédiaire des préfets, sera faite de la même manière, sous la même condition, dans le numéro qui suivra le jour de la réception des pièces.

Les contrevenants seront punis par les tribunaux correctionnels, conformément à l’article 11 de la loi du 25 mars 1822.

Art. 19 : En cas de condamnation contre un gérant pour crime, délit ou contravention de la presse, la publication du journal ou écrit périodique ne pourra avoir lieu, pendant toute la durée des peines d’emprisonnement et l’interdiction des droits civils, que par un autre gérant remplissant toutes les conditions exigées par la loi.

Si le journal n’a qu’un gérant, les propriétaires auront un mois pour en présenter un nouveau, et, dans l’intervalle, ils seront tenus de désigner un rédacteur responsable. Le cautionnement entier demeurera affecté à cette responsabilité.

Titre III - Des dessins, gravures, lithographies et emblèmes. [...]

Titre IV - Des théâtres et des pièces de théâtre.

Art. 21 : Il ne pourra être établi, soit à Paris, soit dans les départements, aucun théâtre ni spectacle, de quelque nature qu’ils soient, sans l’autorisation préalable du ministre de l’intérieur, à Paris, et des préfets, dans les départements.

La même autorisation sera exigée pour les pièces qui y seront représentées.

Toute contravention au présent article sera punie par les tribunaux correctionnels, d’un emprison-nement d’un mois à un an, et d’une amende de mille francs à cinq mille francs, sans préjudice, contre les contrevenants, des poursuites auxquelles pourront donner lieu les pièces représentées.

Art. 22 : L’autorité pourra toujours, pour des motifs d’ordre public, suspendre la représentation d’une pièce, et même ordonner la clôture provisoire du théâtre.

Ces dispositions et celles contenues en l’article précédent sont applicables aux théâtres existants.

Art. 23 : [...]

Titre V - De la poursuite et du jugement.  [...]

Signé Louis-Philippe et le garde des sceaux, C. Persil.

Pour citer ce document

Barbara T. Cooper, « Annexe 2. Loi du 9 septembre 1835 », Médias 19 [En ligne], Mise à jour le : , URL: https://www.medias19.org/textes-du-19e-siecle/anthologies/la-presse-en-scene/annexe-2-loi-du-9-septembre-1835