La presse en scène

Annexe 4. Dictionnaire de droit public et administratif

Table des matières

BARBARA T. COOPER

DICTIONNAIRE DE DROIT PUBLIC ET ADMINISTRATIF

CONTENANT:

L’ESPRIT DES LOIS ADMINISTRATIVES ET DES ORDONNANCES RÉGLEMENTAIRES;
L’ANALYSE DES CIRCULAIRES MINISTÉRIELLES;
LA JURISPRUDENCE DU CONSEIL D’ÉTAT ET DE LA COUR DE CASSATION SUR LE CONTENTIEUX DE L’ADMINISTRATION:
LES OPINIONS COMPARÉES DES AUTEURS SUR LES MÊMES MATIÈRES, ETC., ETC.

PAR MM.

ALBIN LE RAT DE MAGNITOT,

Sous-Préfet de l’Arrondissement de Sens (Yonne), ancien Avocat à la Cour royale de Paris

ET

HUARD-DELAMARRE,

Avocat à la Cour royale de Paris.

Seconde Édition, Augmentée.

TOME SECOND.

PARIS,

CHEZ JOUBERT, LIBRAIRE-ÉDITEUR,

RUE DES GRÈS, N° 14, PRÈS DE L’ÉCOLE DE DROIT.

1841

PRESSE1

CHAP. II. De la presse périodique.

Section I. Conditions préalables. — §I. Cautionnement. — § 2. Déclarations. — § 3. Gérant. — § 4. Signature et dépôt de l’exemplaire-minute.

Section II. Rédaction.

L’article 7 de la Charte de 1830 a posé en ces termes le principe de la liberté de la presse : « Les Français ont le droit de publier et de faire imprimer leurs opinions en se conformant aux lois. La censure ne pourra jamais être rétablie. »

Ce principe a reçu une nouvelle sanction de l’article 69 de la même Charte qui porte qu’il sera pourvu par une loi dans le plus court délai possible à l’application du jury aux délits de la presse. Il a été satisfait à cette disposition de la constitution par les lois des 8 oct. 1830 et 9 sept. 1835.

Deux principes se trouvent ainsi soustraits au pouvoir du législateur, l’interdiction de toute censure préalable, et le droit de la presse d’être jugée par le jury : hors de ces deux principes tout est du domaine de la loi qui peut prendre, pour régler l’usage, pour prévenir ou réprimer l’abus, toutes les mesures qu’avouent la raison et l’équité : elle a établi dans la presse une distinction que nous observerons nous-mêmes dans la division de cet article.

Nous traiterons dans un premier chapitre de la presse en général.

Le second chapitre exposera les dispositions exceptionnelles auxquelles sont soumises les publications périodiques.

N’ayant à nous occuper ici que des rapports de l’administration avec la presse, nous ne parlerons ni des dispositions répressives, qui appartiennent au droit criminel, ni de la propriété littéraire, qui est du domaine du droit civil.

Chapitre Ier.
De la presse en général.
SECTION Ier. — Exposé historique.

Introduite en France vers le milieu du quinzième siècle, l’imprimerie y fut accueillie avec faveur et presque avec enthousiasme. Louis XI, en 1475, accordait à deux habitants de Mayence, inventeurs de l’imprimerie, l’exemption du droit d’aubaine ; et Charles VIII, par ses lettres patentes de mars 1488, admettait les imprimeurs et les libraires à participer à tous les privilèges de l’université.

Toutefois ces bonnes dispositions du pouvoir en faveur de l’imprimerie ne durèrent que jusqu’au jour où l’imprimerie mit son action puissante au service d’idées et de doctrines que le pouvoir tenait pour dangereuses. La censure prit naissance presque en même temps que la presse ; censure brutale qui punissait de mort l’impression ou la vente d’un ouvrage quelconque non autorisé. (Déclaration de 1553.) Celte peine, abolie par l’ordonnance de Moulins de 1566 rédigée par Lhopital, puis rétablie en l626 par le cardinal de Richelieu, fut effacée de notre législation sur la presse par l’ordonnance de 1728 qui réduisit à la marque, au carcan et aux galères les peines infligées aux imprimeurs et distributeurs d’ouvrages jugés criminels. Elle y a été rétablie de nouveau par la loi du 9 septembre 1835 qui punit de mort la simple provocation à certains crimes, même non suivie d’effet.

Dès l’origine, l’exercice des professions d’imprimeur et de libraire fut soumis à des règles spéciales. Bien des règlements sur la police de l’imprimerie se succédèrent jusqu’à celui du 28 février 1725, qui refondit toute la législation sur la presse, et dont quelques dispositions sont toujours en vigueur aujourd’hui.

La révolution trouva ce règlement encore debout, et l’abolit. Les diverses constitutions qui se succédèrent posèrent en principe d’une manière absolue le droit pour tout citoyen d’imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas prévus par la loi. L’industrie des imprimeurs et des libraires resta libre jusqu’au décret du 5 février 1810 qui sert encore aujourd’hui de base à la législation sur les professions de libraire et d’imprimeur, à l’exercice desquelles il est venu imposer de nouveau une partie des entraves de l’ancien droit. Depuis ce décret, la législation de la presse a subi beaucoup de vicissitudes ; la censure et la liberté se sont disputé le terrain pied à pied. L’histoire politique d’un peuple pourrait presque s’écrire d’après l’histoire de sa législation sur la presse. Nous ne pouvons rappeler toutes les lois successives dans lesquelles sont venues se résumer et se résoudre las victoires alternatives de la censure et de la liberté ; nous nous contenterons de citer, parmi celles qui règlent les rapports de l’administration avec la presse, la loi du 21 octobre 1814 sur la liberté de la presse et l’ordonnance du 24 octobre suivant, sur l’exécution de cette loi ; la loi du 28 février 1817 sur |es écrits saisis ; celle du 9 juin 1819, et l’ordonnance du même jour, et la loi du 18 juillet 1828 sur les journaux, l’ordonnance du 15 septembre 1829 qui a supprimé les inspecteurs de la librairie et a confié leurs attributions aux commissaires de police ; les lois du 14 décembre 1830 sur le cautionnement, le timbre et le port des journaux, et enfin la loi du 9 septembre 1835 sur la liberté de la presse et l’ordonnance du 18 novembre suivant sur l’exécution de cette loi.

C’est dans ces lois et ordonnances que nous allons recueillir les dispositions qui régissent la presse aujourd’hui.

[...]

Chapitre II.

Presse périodique.

La première loi qui se soit occupée spécialement des journaux et écrits périodiques non censurés est celle du 9 juin 1819. Elle a été gravement modifiée par celles des 18 juillet 1828, 14 décembre 1830, 8 avril 1831, 9 septembre 1835, et par l’ordonnance du 18 novembre suivant.

Tout Français majeur, jouissant des droits civils, peut, sans autorisation préalable, publier un journal ou écrit périodique, en se conformant à la loi. (Loi du 48 juill. 1828, art. 4.)

Un journal peut être possédé en commun par plusieurs propriétaires. La société, dans ce cas, doit être l’une de celles qui sont définies et régies par le code de commerce. (Ibid., art. 4.)

Le législateur a pris contre la presse périodique, en raison même de sa puissance et de son action sur l’immense auditoire auquel elle s’adresse, des précautions qu’il n’a pas cru devoir prendre contre les publications ordinaires. Il ne se contente plus ici des garanties qui résultent pour le pouvoir, et de ce que nul n’est imprimeur sans son agrément, et de ce que nulle publication ne peut paraître que sous la responsabilité réelle de celui qui l’imprime, et sous la menace d’une saisie facile, complète, et immédiate ; il demande à la fois au journal un éditeur responsable que les condamnations puissent atteindre, et un cautionnement pour le dommage qu’il peut causer.

Nous exposerons dans une première section les conditions préalables qui doivent être remplies avant l’apparition du journal et la publication de chacun de ses numéros. La seconde section traitera des règles auxquelles le journal autorisé à paraître est soumis dans sa rédaction.

SECTION Ier. — Conditions préalables.

Nous traiterons dans 4 paragraphes séparés: 1° du cautionnement ; 2° des déclarations préalables ; 5° du gérant ; 4° de la signature et du dépôt de l’exemplaire-minute.

La loi 9 du juin 1810, art. 6, punit de la prison et de l’amende quiconque publie un journal sans avoir satisfait à toutes les conditions préalables que nous venons d’indiquer.

[...]

§ 3. Du gérant.

Tout journal doit avoir un gérant responsable.

Ce gérant doit être du sexe masculin, être sujet du roi, jouir des droits civils, être propriétaire au moins d’une part ou action dans l’entreprise, et posséder, en son propre et privé nom, le tiers du cautionnement, ou des immeubles libres de toute hypothèque et payant au moins cinq cents francs de contributions directes, si le journal est publié dans les départements de la Seine, Seine et-Oise, et Seine-et-Marne, et cent-cinquante francs dans les autres. En ce cas, il est fait mention expresse de cette circonstance dans la déclaration. (L. du 18 juill. 1828, art. 5 et 9. — L. du 9 sept. 1835, art. 15.)

Dans le cas où soit des cessions totales ou partielles de la portion du cautionnement appartenant à un gérant, soit des jugements passés en force de chose jugée prononçant la validité de saisies-arrêts formées sur ce cautionnement, seraient signifiées an trésor, le gérant est tenu de rapporter au trésor ( bureau des oppositions ), dans les quinze jours de la notification qui lui est immédiatement faite, soit la rétrocession, soit la mainlevée i faute de quoi le journal devra cesser de paraître.

1Il ne peut être admis aucune déclaration de privilège de second ordre sur le tiers du cautionnement que chaque gérant doit posséder en son propre et privé nom. (O. du 48 nov. 1835, art. 5, 4 et 6.)

Si l’entreprise a été formée par une seule personne, le propriétaire, s’il réunit les qualités que nous venons d’énumérer, est nécessairement gérant responsable du journal. S’il ne les réunit pas toutes, il est tenu de présenter un gérant responsable. (L. du 18 juill. 1828, art.6.)

Si l’entreprise est formée par une société autre qu’une société anonyme, les associés sont tenus de choisir entre eux, un, deux, ou trois gérants, qui, aux termes des articles 22 et 24 du code de commerce, ont chacun individuellement la signature. (Id., art. 4.) L’exception établie à cet égard pour les sociétés anonymes s’explique par la constitution même de cette espèce de société.

Les gérants qui renoncent à leurs fonctions sont tenus d’en faire la déclaration à Paris, à la direction de la librairie, et dans les départements, au secrétariat-général de la préfecture où il leur est donné acte de cette déclaration, sans laquelle ils n’obtiendraient pas le remboursement de leur cautionnement. (O. 18 nov. 1835.)

Si l’un des gérants responsables vient à décéder ou à cesser ses fonctions par une cause quelconque, les propriétaires sont tenus, dans le délai de deux mois, de le remplacer ou de réduire, par un acte revêtu des mêmes formalités que celui de société, le nombre de leurs gérants. Ils ont aussi, dans les limites ci-dessus déterminées, le droit d’augmenter ce nombre en remplissant les mêmes formalités. S’ils n’en avaient constitué qu’un seul, ils sont tenus de le remplacer dans les quinze jours de son décès ; faute par eux de le faire, le journal cesse de paraître, à peine de mille francs d’amende par chaque feuille publiée après l’expiration de ce délai. (L. du 18 juill. 1828, art. 4.) Si le gérant était le propriétaire unique du journal, sa veuve ou ses héritiers doivent dans les dix jours de son décès présenter un rédacteur pour être provisoirement responsable jusqu’à ce que le gérant soit accepté, et dans les trois mois, ils sont tenus de présenter un gérant remplissant les conditions voulues par la loi, et qui devra être propriétaire d’immeubles payant la quotité de contributions que nous avons indiquées plus haut. (Id., art. l2) Le cautionnement du propriétaire décédé reste affecté à sa gestion.

En cas de condamnation contre un gérant pour crime, délit ou contravention de la presse, pendant toute la durée de la peine d’emprisonnement et de l’interdiction des droits civils, le journal ne peut être publié que par un autre gérant ayant les qualités voulues. (L. du 9 sept. 1835.) Si le journal n’a qu’un gérant, les propriétaires auront un mois pour en présenter un nouveau, et dans l’intervalle ils seront tenus de désigner un rédacteur responsable. Le cautionnement entier restera affecté à cette responsabilité.

§ 4. Signature et dépôt de l’exemplaire-minute.

Chaque numéro du journal doit être signé en minute par l’un des gérants, ou si c’est un journal exploité par une société anonyme, par un des administrateurs, sous peine d’amende. (L. 18 juill. 1828, art. 8. — L. du 9 sept. 1835, art. 46.) L’exemplaire signé pour minute est, au moment de la publication, déposé au parquet du procureur du roi du lien de l’impression ou à la mairie, dans les villes où il n’y a pas de tribunal de première instance, il est donné récépissé du dépôt. (Id. art. 8.) Cette formalité ne peut ni retarder ni suspendre le départ ou la distribution du journal. (L. du 8 juin 1819, art. 5.) La signature du gérant sur l’exemplaire-minute ne suffit pas ; il faut encore qu’au bas de chaque exemplaire du journal, cette signature figure imprimée, sous peine d’amende contre l’imprimeur, sans toutefois que pour cette faute, il puisse perdre son brevet. (L. du 18 juill. 1828, art 8.)

C’est cette signature du journal qui engage la responsabilité personnelle du gérant vis-à-vis des tiers et de la société. C’est elle qui le rend comptable du contenu du journal et passible de toutes les peines portées par la loi à raison de la publication des articles ou passages incriminés, sans préjudice de la poursuite contre l’auteur de l’article, comme complice.

SECTION II. De la rédaction du journal.

Les gérants responsables, ou l’un ou deux d’entre eux doivent, aux termes de l’article 5 de la loi du 18 juillet 1828 surveiller et diriger par eux-mêmes la rédaction du journal. Leur négligence à cet égard serait une faute qui ne pourrait en rien dégager leur responsabilité.

La loi du 9 sept. 1835, art. 18, oblige le gérant sons peine d’amende à insérer en tête du journal les documents officiels, relations authentiques, enseignements et rectifications qui lui sont adressés par tout dépositaire de l’autorité publique. La publication doit avoir lieu le lendemain de la réception des pièces sous la seule condition du paiement des frais d’insertion.

Toute autre insertion réclamée par le gouvernement, par l’intermédiaire des préfets, est faite de la même manière, sous la même condition, dans le numéro qui suit la réception des pièces.

À consulter : Législation de la Presse, par M. Parant, député ; 1836.

[L’on pourrait également consulter « Lois sur la presse » dans Les Huit Codes en miniature: avec indication de leurs articles corrélatifs. Paris, J.-P. Roret ; L. Tenré, 1833, p. 770-790.

http://books.google.com/books/about/Les_huit_Codes_en_miniature.html?id=dO86AAAAcAAJ]

Notes

1  Cet article est de M. Paul Fabre, avocat à la cour royale de Paris. [L’article couvre dans sa totalité les pages 397 à 405. On ne trouvera ici que des extraits de cet article les plus en rapport avec Jeannic le Breton.]

Pour citer ce document

Barbara T. Cooper, « Annexe 4. Dictionnaire de droit public et administratif », Médias 19 [En ligne], Mise à jour le : , URL: https://www.medias19.org/textes-du-19e-siecle/anthologies/la-presse-en-scene/annexe-4-dictionnaire-de-droit-public-et-administratif