Le discours sur l'Espagne dans la presse musicale française : le filtre de l'opéra-comique (1833-1843)
Table des matières
ISABELLE PORTO SAN MARTIN
[L]e discours n'est pas simplement ce qui traduit les luttes ou les systèmes de domination, mais ce pour quoi, ce par quoi on lutte, le pouvoir dont on cherche à s'emparer1.
Lors de la décennie qui s’ouvre en 1833 avec le règne d’Isabelle II, nièce de Louis-Philippe, l’Espagne est le théâtre de nombreux événements qui compromettent l’équilibre de la scène européenne. Secoué par une guerre de succession et essoufflé par de nombreuses années de crise constitutionnelle, le pays est en proie à des affrontements liés à l’exercice du pouvoir. Confié d’abord à la régente Marie-Christine, il passe aux mains du régent Espartero, de 1840 à 1843, date à laquelle Isabelle II accède officiellement au trône. À l’échelle internationale, ces événements ont des conséquences de taille sur les relations diplomatiques avec la France. En effet, si le roi Fernando VII meurt en 1833, cette année signe la fin d’une décennie marquée par l’absolutisme le plus intransigeant que le gouvernement français de Louis XVIII avait contribué à affirmer avec la campagne de 18232. Les relations diplomatiques entre les deux pays se sont ensuite progressivement dégradées, suscitant une défiance réciproque.
Bien que spécialisée, la presse musicale fait écho à ces événements. Or, la manière dont elle traite de ce type d’informations est révélatrice d’enjeux de pouvoir dont la nature artistique ou politique est difficile à distinguer. C’est ce dont témoigne cet article qui joue avec le premier et le second degré du discours :
La France est-elle tributaire de l'étranger, ou exerce-t-elle une suzeraineté en Europe ? ceci est une question intéressante qu'il serait difficile de résoudre ici, attendu le peu d'espace que nous aurions pour la traiter à fond. Toujours est-il que jamais Paris n'a été le rendez-vous de plus de musiciens étrangers qu'il ne l'est en ce moment. L'Italie, l'Allemagne, l'Espagne, la Belgique, le Portugal, l'Angleterre, l'Irlande et jusqu'au-delà de Luques ont leurs représentants artistiques dans notre capitale de France3.
La musique est présentée, toute ironie mise à part, comme un véritable enjeu géopolitique.
À travers l'étude du discours, qui associe l’idée d’une « construction » à celle d’une « intention d’influencer4 », en fonction d’une situation, c'est bien le rapport au réel qui se joue. C’est un fait, l'Espagne a inspiré les artistes romantiques qui, souvent, ont sacrifié la vérité historique sur l'autel de l'imagination. Loin de contredire cette démarche justifiée par l'inspiration, les auteurs de la presse musicale cultivent une ambivalence très forte à l'égard de l'Espagne en général et de la musique espagnole en particulier. La Revue musicale puis la Revue et gazette musicale de Paris5, publications de référence en la matière, s’en font l’écho. Ce rapport ambivalent, ambigu, à la réalité du terrain, trahit une optique journalistique qui dépasse le cadre musicologique et interroge la notion de presse spécialisée. Quelle place laisse-t-elle à ce qui ne relève pas de sa spécialité, en l'occurrence l’image et les représentations sociales, politiques et culturelles ? Quel traitement réserve-t-elle à ces sujets ? Car, l'Espagne de la Revue, ce n'est pas simplement la musique, les musiciens ou la vie musicale, c'est, statistiquement, surtout l'Espagne en tant que voisin, allié ou ennemi politique présent ou passé, pays étranger et, par comparaison, l’occasion d’une réflexion sur la France. De nombreux articles sont alors le lieu du parti pris politique plus que de l'enseignement, dans lequel la vérité historique est parfois mise à mal par un patriotisme latent, ou par un goût prononcé pour l’anecdote.
Cette tentation si forte d’une représentation fantasmée de l'Espagne est d'ailleurs illustrée par la publication de deux nouvelles, Le Contrebandier de George Sand6 et Le Musicien du régiment de Jules David7. La première, sous-titrée « Histoire lyrique » est suscitée par la vive émotion ressentie à l'écoute du Rondo fantastique de Liszt, inspiré d'une des plus célèbres chansons de l'époque, El contrabandista (Le contrebandier), du non moins célèbre ténor et compositeur espagnol Manuel Garcia. La seconde relate le vol supposé d'une partition par un Espagnol et formule clairement les préoccupations de l'auteur : « Le siège de Saragosse est du domaine de l'Histoire, et nous n'avons qu'un épisode artistique à raconter8 ».
Cette tentation trouve un autre écho, non moins révélateur, dans Le Ménestrel, revue que nous avons consultée en complément du dépouillement systématique de la Revue, de manière à offrir soit une confirmation, soit un contrepoint ; cette démarche nous a permis de mesurer ce qui était de l'ordre d'une idéologie générale ou d'un positionnement propre à la Revue. De ce point de vue, la pratique a été confirmée. Dans le no 413 du Ménestrel, daté du 14 novembre 1841, un article intitulé « Rubini Christinos » montre combien le plaisir de l'anecdote l'emporte sur le fait :
Rien ne ressemble à un général espagnol comme un ténor italien.
Tous les journaux ont rapporté, avec une foi aveugle, cette piquante aventure, empruntée au Courrier de la Gironde, qui inventerait la vérité plutôt que de la trahir.
Rubini est arrivé dans la capitale de l'Espagne ; on sait que l'autorité militaire lui avait donné une escorte de trente cavaliers, pour le mettre à l'abri des mauvaises rencontres. Arrivé à Calmenaz, l'escorte a été entourée par une centaine de paysans, qui prenaient Rubini pour un officier supérieur du parti de Christine que ses soldats allaient livrer à la justice expéditive d'Espartero, dans l'espoir d'une récompense. Rubini avait beau dire à ses libérateurs qu'il n'avait pas besoin d'être délivré, on ne s'est pas moins obstiné à le sauver. Force a été à Rubini, par suite de cet accident, d'arriver à Madrid monté sur le mulet du curé de Calmenaz qui est parvenu à délivrer le grand artiste de ses libérateurs. Rubini a, dit-on, promis au curé de chanter, à son retour, une messe dans son église. – Nous nous attendons à de nouvelles aventures9.
Le ton de cet article, proche de celui employé dans le roman picaresque, trahit la tentation d’écrire un récit de fiction. L'univers militaire, l'artiste à l'épreuve de l'histoire, autant d'éléments définissant l'imaginaire de la scène lyrique au xixe siècle. Présenté comme une « aventure », l'article n'en cite pas moins deux figures au centre de la politique espagnole de l'époque : la reine Marie-Christine, alors exilée en France, et le régent Espartero, général qui gouverne le pays d'une main de fer depuis l'été de cette année 1838. Le ton léger contraste avec le sérieux connoté par ces deux personnalités. Enfin, cet article, comme tant d'autres que nous citerons au cours de ce travail, atteste d'une préoccupation réelle pour les « affaires d'Espagne10 ».
C'est justement dans un compte rendu de spectacle que se formulent ces propos au ton alarmant : « Quoi qu'en disent certains hommes légers, quelques esprits superficiels, ce qui se passe en Espagne est grave11 ».
« Ce qui se passe en Espagne » est le résultat d’une politique extérieure et de relations diplomatiques qui se sont détériorées depuis 1823. À cette date, une expédition à l’initiative du roi et de la Chambre, fortement influencés par Chateaubriand, est menée en Espagne. Le duc d’Angoulême, à la tête d’une armée renommée les « 100 000 fils de Saint Louis », est envoyé pour rétablir Fernando VII et son absolutisme, mis à mal par trois années d’avancées libérales. Le danger que représente l’instabilité du trône d’Espagne pour l’équilibre des monarchies européennes est accentué à la mort de Fernando VII, qui n’ayant qu’une fille, avait aboli la loi salique, au détriment de son frère Carlos, héritier présumé jusqu’alors et dont la cause était défendue par le camp des légitimistes. Cette guerre de succession a pris la forme d’une guerre civile aux nombreux épisodes, la première guerre carliste s’étant déroulée de 1833 à 1840. Lorsque paraît cet article, en août 1838, carlistas et cristinos se disputent encore les places fortes du pays, dans de violents affrontements.
Pour comprendre comment se construit le discours, nous avons procédé en trois temps. Tour d'abord, un état des lieux du discours sur l'Espagne dans la revue a été nécessaire ; il a été l'occasion d'apprécier les mécanismes langagiers associés au traitement du sujet et de témoigner d'un positionnement relevant de l'opinion politique. Cette dimension politique s'est avérée être le ciment, le fil conducteur des articles concernant les opéras-comiques dont l'action se situait en Espagne. Enfin, pour compléter cette réflexion autour de l'opéra-comique, après le répertoire, c'est à un compositeur emblématique de la période que nous avons consacré notre dernier point. En effet, Gomis compositeur espagnol d'opéra-comique français, réunit à lui seul toutes les problématiques que pose notre sujet. Réfugié politique, décoré par la Légion d'honneur (le même jour que le non moins emblématique compositeur français Adolphe Adam12), il cristallise à la fois le rêve d'un opéra-comique idéal et la réflexion, en train de se construire, sur la « nationalité », la « légitimité » ou encore la relation à l'« étranger » si significatives de la politique et du règne de Louis-Philippe13.
L'Espagne, un pays passé en revue
L'Espagne est certes mentionnée dans les comptes rendus d'opéras-comiques dont la scène se passe dans ce pays – lieu commun du répertoire oblige – mais elle l'est aussi dans les rubriques intitulées « Nouvelles étrangères ». L'Espagne apparaît très vite comme l'hyperonyme servant à la fois à désigner les Espagnols, la musique espagnole, l'Histoire espagnole, la politique espagnole ou encore, de manière plus floue, une représentation de ce qui serait l'essence de sa culture. S'opère alors un frottement qu'il convient d'identifier sous peine de ne pas percevoir les enjeux réels du discours : les auteurs sont français et, à ce titre, témoins directs des événements qui secouent l'Espagne et dont l'onde de choc affecte la politique française. Le discours sur la musique apparaît comme une manière de comprendre, de « filtrer », de s'approprier une réalité non musicale, lui donner un sens justifié par un patriotisme latent.
Méfaits de langue
Le dépouillement de 12 volumes de la Revue musicale et de la Revue et gazette musicale entre 1833 et 1843 permet d'observer comment se construit le discours sur l’Espagne à travers des procédés d'écriture récurrents, des usages de la langue, des habitudes langagières. Des « Nouvelles étrangères » au compte rendu de spectacle, en passant par l'article didactique « La musique en Espagne » ou encore les notices biographiques, des faits de langue caractérisent le discours. Parmi ceux-ci, deux types de faits – ou de méfaits – s'avèrent révélateurs.
Le premier consiste à traduire ou transcrire approximativement les termes de langue espagnole. Ainsi, on lit « menuet afandango14 », au lieu de « afandagado », « Rasdago15 » au lieu de « rasgueado », « christinos16 » au lieu de « cristinos », pour désigner les partisans de la régente Marie-Christine, ou encore « la reine Maria-Isabella17 » au lieu d'« Isabelle », en français, ou « Isabel », si l'espagnol devait être conservé, prénom auquel l'auteur associe le premier de la précédente. Ces termes sont non seulement mal traduits mais ils sont aussi reconstruits à partir d'une représentation de la langue elle-même – calquée souvent sur l'italien18 – générée par l'auteur de l'article. Ce qui pourrait apparaître à la première lecture comme une approximation involontaire liée à la méconnaissance de la langue espagnole, de la même manière que pour les termes allemands par exemple, finit par alerter le lecteur précisément parce que la transcription des termes espagnols fait l'objet d'une appropriation, d'une adaptation à la discrétion de l’auteur. Il en résulte une forme de distance vis-à-vis de ce qui est espagnol, l'aveu d'un intérêt relatif, voire une forme de désinvolture quand il s'agit de citer un nom aussi célèbre que celui de Lope de Vega, qui devient « Lopez de Véga19 » ou « Lopes de Vega20 ». Sans entrer dans le détail des réflexions à propos de la traduction, car les auteurs ne sont pas à proprement parler des traducteurs, leur rapport à l'étranger, à la langue étrangère, ne relève pas de ce que Paul Ricœur identifie comme l' « hospitalité langagière21 », c'est-à-dire une place faite dans la langue par l'auteur. Au contraire, un rapport fondé sur un sentiment d’hostilité s’installe.
Le second fait constaté, dans la continuité du précédent, réside dans la tentation de franciser les termes espagnols, en ayant notamment recours au néologisme. Ainsi, à propos du mouvement de boléro d'une fantaisie sur La Juive de Heller, Henri Blanchard (1787-1858) écrit : « Le Boléro, emprunté au même opéra, est rythmé ibériquement, et se fait remarquer, non seulement par la franchise de la mélodie […] et tout cela suffisamment castagnettisé22. » Cet adverbe et ce participe passé ne constituent la traduction littérale d'aucun terme avéré en espagnol, ils supposent une représentation commune à l'auteur et au lecteur quant à un rythme typiquement espagnol, unique, et, qui plus est associé aux castagnettes, instrument que le piano de Heller aurait donc réussi à imiter. Là encore, le discours est porteur de représentations réductrices et très approximatives. Ce que l'on peut en revanche formuler comme hypothèse, c'est que le rythme « ibérique » et le caractère « castagnettisé » de l'accompagnement renvoient à une réalité, non pas celle de la musique espagnole, dont la variété est tout de même mentionnée dans les articles retraçant l'histoire de cet art en Espagne23, mais plutôt celle de l'espagnolade. La profusion de ce type de morceaux, que ce soit dans les opéras-comiques ou dans le répertoire des romances, confirme le goût français pour une reconstruction factice de la musique espagnole fantasmée depuis les salons parisiens. Le Ménestrel, qui offre chaque mois une romance à ses lecteurs, fournit des exemples illustrant parfaitement cet attrait24.
Ajoutons que Blanchard lui-même a composé des boléros aussi peu authentiques ! Conservés au département de la Musique25, ils pourraient être commentés dans les mêmes termes que ceux employés à propos du boléro de Heller.
Ce goût pour le contrefait est parfaitement assumé, tant par les musiciens que par les critiques. Ainsi, dans la « Lettre sur l'état de la musique à Madrid » du 4 août 1839, l'auteur D. G., que nous n'avons pas identifié, se fait passer pour un Espagnol. L'emprunt de la nationalité l'autorise à juger la « Ronde aragonaise » de l'opéra-comique d'Auber intitulé Le Domino noir (1837) « pas aragonaise du tout26 ». La légitimité de cette remarque ne peut être remise en cause, étant donné l'origine revendiquée de l'auteur qui va jusqu'à demander « pardon pour le style plus espagnol que français » de son article ! Article, on l'aura compris, écrit dans une langue aussi parfaite que semblable à celle des autres articles de la Revue… Le topos de l'étranger supposé, si répandu dans les livrets d'opéras-comiques, trouve donc aussi asile dans la critique musicale.
L'écriture journalistique, bien que de manière diffuse, relaie une représentation peu soucieuse du réel, que l'on peut aussi lire comme un discours soucieux de déréaliser l'identité d'un pays à travers la critique musicale. Si le caractère fantaisiste ou désinvolte est à souligner, le discours sur l'Espagne prend aussi l'allure d'une charge violente et directe à partir de 1838.
Le procès de l'Espagne
Intenté notamment par Henri Blanchard, critique et opposant farouche, le procès de l'Espagne occupe de nombreuses pages de la Revue et gazette musicale de Paris. Le caractère répété de ces attaques est attesté par la série d'extraits qui suit. Chacune de ces attaques semble être justifiée par le lien, plus ou moins artificiel, établi par l’auteur entre musique et politique. Ainsi, « (L)a propagation musicale étend son influence jusque dans les moindres provinces du pays le plus rebelle à toute civilisation ; nous n'avons pas besoin de nommer l'Espagne27 ». Quelques mois plus tard, on peut lire dans la même rubrique, celle des « Nouvelles », des propos qui dépassent le cadre du simple compte rendu :
Les artistes espagnols viennent de faire une courte et malheureuse apparition sur la scène du Palais-Royal, habituée à mieux traiter son public. Parmi les prétendues pièces importées de delà les Pyrénées par cette troupe nomade, figurait un lambeau d'opéra-comique, dont nous ne jugerons pas même la musique, et cela par esprit de justice, car hélas en fait de chant, comme en politique, les pauvres Espagnols ont, à ce qu'il paraît, beaucoup de peine à se mettre d'accord.
[…] Ils auraient dû, dans l'intérêt de leur renommée, s'en tenir avec nous à la brillante exception de Garcia, qui avait réhabilité l'Espagne au tribunal du dilettantisme28.
Sous couvert d’une approximation excusée par le caractère de « dernière minute », à la manière de celui de la dépêche, l’auteur semble rendre compte d’un fait à partir d’un ouï-dire. Pourtant, la fin de l’article, et notamment l’emploi du pronom « nous », acte d’une rhétorique solidement élaborée, moralisante et porteuse d’un jugement – le terme « tribunal » n’est pas anodin – qui n’hésite pas à mettre en balance un individu et un peuple. Garcia, comme La Malibran ou Gomis, qui fait l’objet de notre troisième partie, sont autant d’alibis pour ne pas craindre d’être accusé d’hispanophobie.
De la même manière, un article didactique sur le théâtre musical à Madrid devient une tribune contre « un pays où tout est si mauvais29 ». Le blâme explicite conduit Henri Blanchard à produire un discours beaucoup plus général. Fondé sur une anecdote (un concert amateur donné dans une petite ville du Sud de la France par des soldats carlistes), l’article est l’occasion d’exprimer, de publier une opinion, ralliant ainsi, avec peut-être encore plus de virulence, la Revue et gazette musicale à la position généralement adoptée par la presse généraliste :
Celui qui n'a pas vu l'abjection intellectuelle et la nullité artistique dans lesquelles l'Espagne est tombée […].
Riant de cette boutade originale, nous laissâmes là les symphonistes de M. Cabrera, qui se sont dispersés naguère en vertu de la proclamation de leur noble chef, et qui vont profiter sans doute de l'amnistie publiée le 1er de ce mois dans la Gazette de Madrid pour rentrer dans les beaux champs de l'Ibérie, où croissent les boléros, les combats de taureaux, les don Quichottes de toute espèce, et une indéracinable anarchie, avec beaucoup de mépris pour nous autres Français qui pouvons fort bien le leur rendre, en les engageant à reconquérir les mines d'or du Pérou pour payer leurs dettes ; en leur souhaitant une autre musique nationale que celle de la guitare, et en désirant qu'ils deviennent un peu plus industriels ou industrieux30.
Dans ce qui ressemble à un billet d’humeur, la charge de l’auteur s’appuie sur un raisonnement qui oppose le présent, la dette, les guerres carlistes, la politique d’Espartero, et le passé de l’Espagne. Or il ne s’agit pas ici d’opposer deux politiques mais de mettre en regard le rayonnement artistique d’une Espagne révolue et la décadence de sa politique du moment. Ce raisonnement est récurrent chez Henri Blanchard comme en témoignent les exemples suivants. De la même manière que dans l’article précédent, dans lequel les musiciens cités ne formaient qu’un prétexte pour relier la politique à la vie musicale, Blanchard s’appuie sur la figure du compositeur puis sur l’histoire d’un instrument pour discourir sur l’Espagne :
Oui, par la magie de sa palette musicale, le compositeur vous entoure des tableaux nocturnes, mystérieux et riant tout à la fois de cette Espagne, non telle qu'elle est, en proie à la guerre civile et à la misère, ou telle que nous la veulent faire quelques uns de ses pâles et secs enregistreurs de dates qui se donnent le nom d'historiens, mais telle qu'elle fut, et qu'elle est encore dans ses poëtes, dans ses romanceros, dans ses chroniqueurs tout menteurs qu'ils soient31.
La guitare, qui est et sera toujours l'instrument national de l'Espagne, l'interprète mystérieux de l'amour, de toute sérénade ibérienne, fut aussi pendant longtemps l'instrument recherché, couru, favori de France, et par conséquent de Navarre32.
Il est intéressant de constater que Blanchard ne mène pas une croisade contre l’Espagne à proprement parler mais contre l’Espagne contemporaine. De fait, l’article évoquant la guitare semble vouloir réunir les deux pays dans un passé commun, voire une mythologie commune.
Les articles signés par Henri Blanchard ne sont pas les seuls à fustiger l’Espagne contemporaine. Certains comptes rendus de spectacle, en particulier de l'Opéra-Comique, prennent parfois la forme d’un réquisitoire.
L'opéra-comique : terrain militaire, scène diplomatique et page d'histoire
De nombreux livrets reposent sur des intrigues militaires. De ce conséquent échantillon, nous avons extrait certains de ceux dont l’action se situe en Espagne. Cet espace littéraire qu’est le livret, qui explore une page d’Histoire, souvent militaire, est en interaction avec un autre espace littéraire, celui de l’article qui rend compte du spectacle. Se crée alors un brouillage, pour le premier, entre la fiction et l’actualité et, pour le second, une confusion entre les enjeux musicologiques et politiques. C’est bien la dimension théâtrale, voire spectaculaire, qui dessine le trait d’union entre les représentations : celle d’un opéra-comique d’une part et, toutes celles d’autre part qui se trouvent formulées dans le compte rendu, lieu lui aussi de mise en scène. La guerre se trouve alors transposée dans ces nombreuses relectures de l’Histoire récente. Ces « circonstances » qui permettent à chaque livret d’être d’actualité font, pourrait-on dire, des opéras-comiques concernés les compléments circonstanciels d’une construction syntaxique à l’échelle du débat national.
Lieux communs
L’idée que l’opéra-comique est un genre qui a produit de nombreuses œuvres de circonstance est liée en partie à son système de production. À la manière dont le vaudeville réagit avec une extrême rapidité à l’événement, au fait divers, à l’anecdote, l’opéra-comique compte aussi sur le succès garanti par le fait d’être dans l’air du temps, cet air du temps qui crée une sociabilité particulière parmi les spectateurs. La question nationale est une idée dans l’air du temps, ce qui fait d’elle un lieu commun non seulement des livrets mais aussi des comptes rendus. Ainsi, on peut lire en 1837 à propos de M. Deschalumeaux donné au théâtre de Madrid :
Après avoir fait avec nos armes la conquête de toutes les capitales d'Europe, nous la recommençons aujourd'hui avec nos pièces de théâtre […] ce qui fait que nous régnons en souverains sur leurs scènes dénationalisées […]33.
L’œuvre théâtrale est ici brandie comme un étendard qu’il faut planter sur chaque scène étrangère pour consacrer la suprématie française. La nature de cette suprématie est confuse : politique ou artistique, littérale ou métaphorique ?
Le discours sur l’Espagne peut aussi être médiatisé ; c’est dans un article consacré à la musique à Berlin que l’on peut lire la réflexion suivante sur les relations entre la France et l’Espagne :
Le voisinage artistique des peuples et des états est infiniment préférable au voisinage politique. Pendant que la France est peu disposée à tirer, par une intervention, l'Espagne de ses embarras politiques, elle a eu la complaisance de nous assister, dans notre pénurie musicale, par un double envoi de troupes auxiliaires. Elle nous a expédiés Le Postillon de Longjumeau et L’Ambassadrice34.
Cette question des nationalités n’est pas inhérente aux relations franco-espagnoles, il s’agit d’un trait définissant le livret d’opéra-comique selon le constat suivant :
M. Scribe écrit tant, sur des sujets et des pays si divers, que ses tragédies lyriques, ses comédies en cinq actes, ses libretti d'opéras-comiques ont toujours l'air d'être des ouvrages de circonstance. Avons-nous maille à partir avec nos voisins d'Outre-Manche ? Le fécond auteur nous verse un Verre d'eau dans lequel il délaie l'histoire d'Angleterre de telle sorte que la censure anglaise interdit sa pièce. Un refroidissement survient-il entre nous et l'Espagne ? Le Duc d'Olonne semble un à-propos sur les troubles actuels de la péninsule ibérique35.
Comme pour les précédents, le pronom « nous » souligne non seulement l’implication de l’auteur mais celle, supposée, du lecteur, indice d’un discours relayé ailleurs que dans la Revue.
En outre, certains articles vont jusqu’à simplifier les modalités de création d’une œuvre. Le ton affirmatif employé pour raconter l’histoire du genre, dans une optique didactique, mérite d’être pointé : « Les succès de l'armée française dans la guerre d'Espagne de 1823 donnèrent lieu à la composition d'un opéra Vendôme en Espagne auquel Hérold prit part conjointement avec M. Auber »36. Ce dernier, ainsi qu’Eugène Scribe, sont d’ailleurs désignés comme des « généraux expérimentés »37 par Henri Blanchard au lendemain de la création des Diamants de la couronne.
Noms propres
Pour favoriser le brouillage des pistes entre réel et fiction, certains auteurs s’appuient sur des références précises, citent des noms, supposés réels et à peine déguisés pour la circonstance. La révélation de l’identité d’un personnage dépasse alors le cadre du livret : la presse participe de cette mise en scène des conflits dans la manière dont certains auteurs de comptes rendus présentent l’intrigue. Librettistes et journalistes jouent donc volontiers avec l’onomastique pour entretenir cette confusion entre scène théâtrale et scène politique.
L’exemple de La Marquise, opéra-comique créé en 1835, est révélateur de cette tendance. La situation initiale est posée ainsi : « La jeune marquise d'Ofalia, veuve à 18 ans d'un noble d'Espagne, vit très retirée à Paris où elle ne reçoit qu'un certain duc d'Alcantara, je crois, qui lui rend des soins assidus38. » Notons tout d’abord l’approximation manifeste de l’expression « je crois », qui, une fois de plus, témoigne d’une sorte de légèreté qui se rencontre souvent lors des comptes rendus de représentations de l’Opéra-Comique. Ensuite, le récit des nombreuses péripéties qui composent l’intrigue s’avère fastidieux, ce n’est donc pas là un trait propre au traitement des œuvres liées à l’Espagne. De la même manière, on pourrait croire que les patronymes espagnols employés dans les livrets sont aussi répandus que ceux portés par des personnages français. Si l’on contredit cet argument et que l’on s’intéresse à eux, apparaissent alors entre les lignes non plus des personnages mais des personnalités liées à la politique. Ainsi, la marquise d’Ofalia porte le même nom que le comte d’Ofalia, ministre de la Justice en 1823-1824, à ce moment si délicat des relations franco-espagnoles puisqu’il correspond à la campagne menée par le duc d’Angoulême en Espagne, celle des 100 000 fils de Saint-Louis, qui étaient chargés de rétablir Fernando VII dont l’absolutisme était mis à mal. Ofalia entretenait de très bonnes relations avec Louis-Philippe, il fut d’ailleurs l’un des premiers membres du gouvernement espagnol à le reconnaître. Enfin, fait important pour la conjoncture, Ofalia a été ambassadeur d’Espagne à Paris.
Un autre compte rendu d’opéra-comique invite au même type d’interprétation. Il s’agit d’un article d’Édouard Viel à propos d’une œuvre de Scribe, Duport et Mazas : Le Kiosque39. L’action est située en Espagne pendant l’occupation française, sous le règne de Joseph. Édouard d’Arcourt, officier français, doit se cacher après avoir critiqué le gouvernement. Il doit, selon Viel, « sauver sa tête de la justice militaire, assez expéditive comme chacun sait, en Espagne ». Certes, la justice était expéditive à l’époque du livret, mais elle l’est aussi au moment où paraît l’article : le régent et général Espartero l’a alors déjà maintes fois montré, c’est bien son nom qui apparaît derrière l’allégorie « la justice militaire expéditive ». Plus loin dans l’article, l’auteur commente la partition : « à notre avis, le morceau le plus saillant de la partition est un bolero chanté par Sainte-Foy dont le rythme original est relevé par un dessus de flûte imitant le glou glou d'une bouteille40 ». Avant tout, il faut clarifier le propos de l’auteur quant aux morceaux cités. Il ne s’agit pas d’un boléro mais bien de couplets de Sainte-Foy situés à la scène 5, le boléro d’Édouard étant placé à la scène 741. Le procédé d’imitation cité par Viel a produit un effet comique certain. Il s’agit certes du recours à un lieu commun, la chanson à boire, mais un lieu commun qui prend tout son sens quand on sait que Joseph Bonaparte, sous le règne duquel l’action est censée se passer, était affublé d’un surnom très célèbre, celui de « Pepe Botella ». « Pepe » correspond au diminutif espagnol de Joseph, et « botella », « bouteille » en français, renvoie à son goût avéré pour le vin. Circonstance ou coïncidence, la réflexion suscitée par les noms propres renvoie en tout cas à un imaginaire collectif bien réel, de part et d’autre de la frontière.
Enfin, l’article conséquent rédigé par Henri Blanchard à propos du Duc d’Olonne contient de nombreux éléments liés à cette question. L’auteur se livre tout d’abord à une réflexion sur les liens entre actualité et sujets d’opéra-comique et use d’un argument d’autorité : « Que Mr. D’Argout prétende encore, comme il nous l’a fait à nous-mêmes lorsqu’il était ministre, qu’on ne doit pas mettre de politique, et surtout celle qui concerne notre histoire, dans les pièces dramatiques, il serait bienvenu auprès de M. Scribe42 ! » Pour étayer cette réflexion, Blanchard cite d’autres noms célèbres puis tente d’expliquer celui du personnage éponyme :
Le duc d’Olonne, – c’était d’Ossonne ou d’Ossuna ; des raisons de convenance ont fait changer ce nom en celui d’Olonne, dont il n’existe plus de descendants – le duc d’Olonne donc, qui favorise les prétentions de Louis XIV, est forcé de s’expatrier […]43.
La référence à l’Histoire, aussi approximative soit-elle, est donc assumée. Reste celle à la politique, que Blanchard prend en charge avec le piquant qu’on lui connaît :
On assure que notre dernier ambassadeur en Espagne assistait à cette représentation en loge grillée, pour voir comment les envoyés de Louis XIV s'y prenaient pour maintenir notre influence en Espagne et en chasser les Anglais ; car, indépendamment de son mérite dramatique et musicale cette jolie pièce est palpitante d'actualité politique44.
Nous l’avions déjà mentionné à propos du comte d’Ofalia, la fonction d’ambassadeur est au cœur des relations diplomatiques. Catherine Sablonnière a étudié les enjeux de celle-ci pour ce qui concerne la France et l’Espagne à l’époque d’Isabelle II dont le règne renvoie aux années qui nous intéressent45. L’ambassadeur est une figure négative à cette époque notamment parce que Louis-Philippe avait envoyé un « ambassadeur de famille » auprès d’Isabelle II d’Espagne qui était sa propre nièce, et donc membre de la famille des Bourbons. Dans un article aussi documenté que nuancé, publié en Espagne, Louis Viardot rappelle à quel point cette initiative a nui aux relations entre les deux pays, la présence de l’ambassadeur ayant été clairement perçue comme un moyen d’espionner la cour et de mettre la future reine sous tutelle française46. Selon toute probabilité, le « dernier ambassadeur en Espagne » évoqué dans l’article est Narcisse-Achille Salvandy (1795-1856) qui occupa cette fonction entre 1841 et 1843, au moment justement où l’ambassadeur anglais tentait d’infléchir la politique d’Espartero en faveur de son pays. Blanchard fait donc référence ici à une actualité politique « palpitante » sans citer de nom propre tant celui-ci est évident pour le lecteur de l’époque.
Dans ce discours qui va jusqu’à désigner, par la présence de noms propres, des acteurs de la vie politique, émergent cependant quelques portraits dont le traitement élogieux contraste avec la critique habituelle. Certains artistes espagnols – d’origine du moins – sont célébrés par la critique française.
Gomis, figure d'exception
Parmi les artistes espagnols qui font figure d’exception, celui qui fait l’objet de louanges de façon récurrente durant la décennie 1833-1843 est José Melchor Gomis. L’intérêt et l’admiration que le compositeur et sa musique suscitent relèvent d’éléments liés à son œuvre – Gomis est avant tout un compositeur d’opéra-comique – mais aussi à son statut de réfugié politique. Ainsi, les articles de nature biographique dont il fait l’objet dans la Revue et gazette musicale ou dans Le Ménestrel et les commentaires sur son œuvre révèlent bien plus que ce qu’ils se proposent de prime abord.
L'éloge de Gomis
Le premier élément qui caractérise l’éloge de Gomis consiste dans la perpétuation d’un mythe, celui dont deux autres artistes espagnols du théâtre lyrique firent l’objet quelques années auparavant : Manuel Garcia (1775-1824) et sa fille Maria Malibran (1808-1836). Publiés pendant les années qui concernant notre étude, les articles qui suivent montrent à quel point les deux artistes ont été et continuent d’être vénérés. Dans un article de 1837, François-Joseph Fétis s’adresse à la chanteuse décédée avec ces mots qui confèrent à la Malibran une dimension sacrée : « Je te salue Marie47 ». L’année suivante, à l’occasion d’un article à propos de sa sœur, Pauline Viardot, F.-J. Fétis évoque le père des deux chanteuses : « Au moment où l'attention générale est fixée sur la jeune héritière du nom des Garcia, nous avons pensé qu'on ne lirait pas sans intérêt une notice sur Manuel Garcia, chef de cette célèbre famille48. » Les termes employés sont éloquents : « âme ardente », « témérité », « fureur andalouse ». Ils contribuent à alimenter le caractère héroïque des membres de cette famille pour lequel l’Espagne est « un pays trop petit49 ». À la page suivante, c’est au tour d’Ernest Legouvé de se prêter à la même célébration. Il écrit à propos de Pauline qu’elle est « le dernier reste de cette mâle couvée des Garcia, couvée d'aigles, et non de rossignols, à l'aile hardie, à la prunelle de feu, à la serre puissante50 ». Il ajoute, pour montrer la supériorité de ces êtres, qu’« il y a des races privilégiées », le mot « race » montrant bien l’idée de hiérarchie que l’auteur établit entre certains artistes et le commun des mortels. Ce terme est intéressant à un autre titre. Gérard Noiriel51 explique qu’il renvoie à cette époque à un débat qui oppose « race » et « nation », le premier renvoyant aux descendants des familles nobles qui ont fondé la France en opposition à la qualité de ceux qui sont nés en France et qui prétendant au même statut que les précédents. Il s’agit d’une variante du rejet de la noblesse de robe par la noblesse de sang.
C’est précisément en l’inscrivant dans cette lignée que les journalistes consacrent Gomis. Son histoire personnelle nourrit en plus une réflexion sur la politique française et espagnole : Gomis fuit l’Espagne en 1823, au lendemain du rétablissement de Fernando VII et après avoir lutté dans le camp des libéraux, composant vraisemblablement lui-même leur hymne, El Himno de Riego. Comme le rappelle Louis Viardot dans l’article cité plus haut, la politique à l’égard des réfugiés espagnols a d’abord été favorable. La France devient alors la patrie d’adoption de ces émigrés, libéraux pour la plupart, au point de les considérer comme des Français. Ainsi, trois ans après sa mort, Gomis est cité en ces termes : « Ce chaleureux espagnol, enfant d’adoption de la France52. » Notons qu’à partir du moment où La Malibran eût épousé Charles de Bériot, celle-ci devint définitivement « Madame de Bériot » dans la Revue. On peut formuler l’hypothèse selon laquelle juste en dessous de cette « race privilégiée » évoquée par Legouvé se trouve la nation française qui accueille en son sein les enfants étrangers. C’est en ce sens que l’on peut lire l’extrait suivant, issu d’un article biographique concernant Gomis :
La Restauration a chassé d'Espagne un autre enfant de chœur de cette même cathédrale de Valence, disciple bien aimé du maestro Pons qui était devenu chef de musique dans la milice nationale de Madrid. Réfugié en France et d'abord modeste professeur de chant, il s'est enhardi à écrire pour le théâtre ; cet autre Martini, c'est l'auteur du Revenant et du Portefaix, c'est Gomis53.
La confrontation entre un régime, la Restauration, et un individu, Gomis, si elle permet de simplifier le récit des événements donne aussi à Gomis une étoffe héroïque, comme s’il avait été capable de braver une entité supérieure. Par ailleurs, on pourra apprécier l’emploi de la forme emphatique qui retarde la révélation du nom du musicien, véritable mise en scène de son identité. Il semble du reste que ce soit le séjour français de Gomis qui lui ait permis de « s’enhardir », comme si la France, autre allégorie, implicite cette fois, était investie d’un pouvoir artistique ou était une fabrique de héros. Le patriotisme est latent. Le Ménestrel contribue de la même manière et selon des arguments similaires au récit biographique de Gomis. On y lit que lorsque celui-ci diffusa ses chansons « Valence en devint folle et les chanta tous les soirs sous les balcons et les fenêtres54 ». Une fois encore, Gomis dialogue avec une ville comme le feraient deux divinités. Puis le lien avec la politique espagnole apparaît avec les circonstances de son départ pour la France, asile des artistes incompris :
Cependant, à la suite du duc d'Angoulême, le Trocadéro et la Restauration survinrent, ces deux glorieux résultats de notre présence en Espagne. La restauration n'exila pas Gomis, mais détruisit ses espérances. Le pauvre Espagnol, volé par des brigands se mit en marche vers la France55.
Non seulement l’histoire de Gomis est au cœur des relations franco-espagnoles, et, partant, la figure idéale pour mentionner un sujet politique dans un article de la presse spécialisée, mais on crée de toutes pièces, pour rendre ce récit biographique plus vivant certainement, un épisode qui contribue à rendre son destin exceptionnel. Or, l’histoire supposée de Gomis selon la presse française s’apparente à celle avérée de Garcia qui subit en effet l’assaut de bandits de grand chemin lors de son voyage au Mexique en 182756 ! L’analogie, consciente ou non, est opportune et contribue à inscrire Gomis dans la lignée des personnalités offrant au chroniqueur l’étoffe d’un personnage romanesque que le destin exceptionnel, ainsi qu’une rhétorique adaptée, érigera au rang de héros national. À cette fabrique du héros, un rite initiatique était nécessaire. Celui-ci devait d’une part confirmer une adoption définitive par la nation française, c’est ce que la remise de Légion d’honneur acta en 1835. La cérémonie donna lieu à une remarque quant au traitement des étrangers et à une réflexion sur la simultanéité de la remise de la Légion à Adolphe Adam :
S'il avait fallu en croire certains bruits, cet acte de justice n'aurait eu lieu à l'égard d'un de nos plus grands artistes français, que pour servir en quelque sorte de passeport à la même faveur destinée à M. Gomis, qui en sa qualité d'étranger, obtient une protection toute particulière de notre gouvernement national57.
Ce rite de passage doit d’autre part confirmer une autre adoption, puisque Gomis est compositeur : celle du public et de la critique musicale.
Un opéra-comique modèle
La singularité de José Melchor Gomis dans le paysage musical français de l’époque réside dans la composition d’opéras-comiques, genre français par excellence. Une autre singularité réside dans la réception favorable de ses œuvres dans la Revue, publication qui ne cachait pas son scepticisme face à ce genre. Dès 1831, Le Diable à Séville avait reçu un accueil favorable. Entre 1833 et 1836, année de la mort de Gomis, ce sont Le Revenant, Le Portefaix et Rock-le-Barbu qui trouvèrent un écho dans la presse musicale, non seulement à travers le rapport systématique de toutes les étapes précédant la création58 mais aussi dans des articles d’une taille conséquente pour en réaliser le compte rendu. Ce suivi montre l’intérêt réel de la critique française à l’endroit de Gomis ; la presse espagnole, en raison de l’exil de Gomis, et malgré la mort de Fernando VII la même année, n’accordait pas tant de place au compositeur dont l’œuvre fut célébrée bien plus tard.
Plusieurs critères sont retenus qui justifient l’attrait pour ses œuvres. Édouard Fétis, le directeur de la Revue musicale, se charge lui-même de souligner les qualités du compositeur quelques jours après la première, le 31 décembre 1833, du Revenant :
On voit qu’il y a peu d’intérêt dans cette pièce, aussi le succès n’en peut-il être attribué qu’à la partition de M. Gomis. Ce compositeur avait fait représenter au même théâtre, il y a trois ans, un opéra en deux actes, Le Diable à Séville, dans lequel on avait remarqué une fraîcheur d’idées et une originalité d’exécution assez rares. La nouvelle composition de M. Gomis n’est pas moins estimable ; l’introduction est bien dessinée, les couplets de Boulard sont d’un excellent caractère, et le chœur qui suit se distingue par un style élégant ; le final est animé […]. Il y a dans M. Gomis la volonté manifeste d’être individuel, et lorsqu’à cette qualité est jointe, comme chez ce compositeur espagnol, la capacité nécessaire pour en tirer parti, on doit s'attendre à des résultats louables. Dans Le Revenant, la mélodie est souvent bien sentie et l’accompagnement élégant. Enfin ne fût-ce qu’à cause de son désir d’avoir une manière qui lui soit propre, et à part toute autre considération, M. Gomis me paraît avoir mieux réussi dans Le Revenant que la plupart des compositeurs qui, depuis quelques temps, l’ont précédé sur la même scène. On est trop peu habitué au théâtre de l’Opéra-Comique à la bonhomie d’un auteur qui essaie un style autre que le style de tout le monde. C’est de ce qu’il a eu cette bonhomie que je félicite M. Gomis59.
Si l’éloge est évident, les arguments méritent cependant d’être interprétés, de même que les outils du discours. En ce qui concerne la musique à proprement parler, É. Fétis retient six paramètres de la partition, quatre renvoyant à des numéros qui forment la partition, deux renvoyant à l’écriture :
– Introduction ;
– Couplets ;
– Chœur ;
– Final ;
– Mélodie ;
– Accompagnement.
Les termes attribués pour qualifier leurs qualités respectives sont les termes couramment employés pour commenter le théâtre lyrique :
– « bien dessinée » ;
– « excellent caractère » ;
– « style élégant » ;
– « style animé » ;
– « bien sentie » ;
– « élégant ».
Ce qui surprend, c’est l’association entre le caractère courant – et relativement imprécis – de ces termes et l’argument principal de É. Fétis, l’originalité de Gomis, à travers ceux qui suivent et renvoient pêle-mêle à la musique et au musicien :
– « fraîcheur d’idées » ;
– « originalité » ;
– « individuel » ;
– « propre » ;
– « autre ».
Cette manière de dissocier Gomis des autres compositeurs qu’Édouard Fétis considère comme inférieurs60 renvoie à une valeur supérieure pour l’auteur : l’originalité, l’individualité. En juillet 1834, pour la reprise de l’œuvre, un entrefilet de É. Fétis reprend à nouveau le terme61. Or, cette originalité de la musique est justifiée par un discours beaucoup plus technique porté par Berlioz, qui publie plusieurs articles à son sujet dans Le Rénovateur et dans le Journal des débats62. De son côté, la Revue et gazette musicale de Paris, qui prend à partir de 1834 la relève de la Revue musicale jusqu’à la disparition de cette dernière après 1835, nourrit le même discours. Le Revenant est qualifié de « remarquable63 », « moderne64 », on souligne « l’originalité un peu recherchée de cette musique si différente de ce que l’on entend chaque jour65 ».
Enfin, on repère une troisième catégorie dans cet éloge qui montre qu’il s’agit moins pour É. Fétis de commenter la musique de l’opéra-comique que d’esquisser le portrait d’un musicien idéal, mu par trois qualités supérieures : « le désir », « la volonté » et « la bonhomie ».
Si « désir » et « volonté » s’entendent aisément et soulignent une caractéristique propre à l’artiste romantique, le sens du dernier terme nécessite d’être précisé. É. Fétis félicite Gomis de sa « bonhomie », c’est-à-dire de la franchise de ses intentions qui seraient exemptes de calcul et de prétention. Gomis n’en est pourtant pas à son galop d’essai, s’il est jeune, il a pourtant su dès son arrivée à Paris se frayer une place parmi les acteurs de la vie musicale, qu’ils soient espagnols et exilés comme lui ou français. Rossini, Garcia, Berlioz comptent parmi ses proches. En 1830, Gomis avait notamment composé la musique de scène pour Aben Humeya66, sur un texte de Martinez de la Rosa (1787-1862), écrivain espagnol, homme politique espagnol libéral nommé ministre d’Isabelle II l’année suivante, puis exilé une nouvelle fois pendant la régence d’Espartero.
Les réactions au Portefaix sont moins vives, à cause de la mauvaise qualité du livret selon la critique, qui ne pouvait laisser Gomis donner libre cours à son talent67. Ce talent si loué est d’ailleurs, quelques mois plus tard, l’objet d’un article de la rubrique des « Nouvelles » :
Le nouveau directeur de l’Opéra, sans son empressement à seconder l’essor des talens qui annoncent un avenir, a confié à M. Gomis la tâche glorieuse d’écrire la partition d’un grand ouvrage : il faut espérer que ce compositeur obtiendra enfin un véritable succès sur une scène dont le grandiose cadre mieux que celle de l’Opéra-Comique avec le caractère de ses inspirations68.
La fidélité de la Revue à l’égard de Gomis est avérée. Pourtant, ni le public ni la critique ne pourront assister à la réalisation de ce projet : Gomis décédant le 27 juillet 1836, Le Comte Julien restera inachevé.
C’est Henri Blanchard – sous le pseudonyme de J. J. J. Diaz – qui rédige le long compte rendu à propos de Rock-le-Barbu, créé le 13 mai 1836. Si l’éloge est toujours d’actualité, quelques réserves sont émises :
La partition de M. Gomis est digne de celles qu’il a déjà écrites pour le théâtre de l’Opéra-Comique ; elle est, toutefois, empreinte de la couleur italienne, elle a une légère teinte de rossinisme et le trois temps en mouvement de valse s’y montre un peu trop fréquemment. L’ouverture est un morceau consciencieusement fait, bien mouvementé, richement orchestré […] Les couplets en ut chantés par la comtesse, au commencement de la pièce, sont d'une mélodie tourmentée et fort peu agréable. Jamais harmonie plus bruyante n'accompagna des paroles telles que celles-ci :
Ô coquetterie,
Viens par ta magie, etc.
Nous engageons fort M. Gomis à supprimer les trois trombones qui font entendre leurs voix âpres et rauques dans la ritournelle finale de ces couplets, et qui nous représentent le trio sauvage des trois sorcières de Macbeth. Je prierai le compositeur, à titre de compatriote, et au nom de toutes les oreilles délicates, de supprimer ces trois formidables trombones, ou j'invoquerai le pouvoir discrétionnaire de M. Girard, le chef d'orchestre, afin d'obtenir un pianissimo à défaut d'un lacet de ces trois voix cuivrées et étourdissantes qui m'ont poursuivi […]69.
Blanchard, comme Berlioz, insiste sur l’orchestration et l’harmonie, mais n’apprécie pas certaines audaces, sans pour autant à aucun moment associer à son discours la nationalité espagnole de Gomis, nationalité qui aurait pu, nous l’avons vu, être l’occasion d’une nouvelle charge. Les morceaux sélectionnés tout au long de l’article reçoivent un traitement semblable – le vocabulaire est similaire – à celui offert par É. Fétis pour Le Revenant, avec cependant davantage de détails. Blanchard ne s’attarde pas sur le profil du musicien, contrairement à É. Fétis et à Berlioz qui a la responsabilité de l’éloge funèbre du compositeur espagnol.
Dans cet article70, Berlioz décrit la musique de Gomis en ces termes :
Son premier ouvrage, Le Diable à Séville, révéla un talent original, dont la physionomie spirituelle et les allures parfois un peu étranges, surtout pour un public comme celui de l’Opéra-Comique, plurent cependant tout d’abord généralement. On fut surpris de la foule d’effets nouveaux, de formes rythmiques inconnues et de phrases piquantes que cette musique contenait […] On admire beaucoup dans Le Revenant, la couleur sombre et le caractère d’énergie concentrés qui en forment le mérite principal. Quelle différence en effet, entre cette matière grave, réservée mais abondante cependant, du musicien espagnol, et les allures coquettes et sautillantes, de caquetage demi-grivois, demi-sentimental, le style toujours plus ou moins vulgaire, si longtemps à l’honneur au théâtre de la Bourse71 !
La comparaison est en faveur de Gomis qui dépasse, comme l’affirmait É. Fétis, le niveau des compositeurs d’opéra-comique, genre que Berlioz n’affectionnait pas. La suite de l’article loue la « coupe ingénieuse », l’« ordonnance savante », les « harmonies peu usitées » que l’on trouve dans la partition, mais mentionne également quelques défauts de Gomis et, parmi eux, l’emploi parfois inopportun des trombones et de la grosse caisse. Sans entrer trop avant dans une réflexion sur l’instrumentation, si chère à Berlioz, et plus spécifiquement celle sur la grosse caisse, il apparaît cependant qu’en traitant de sujets aussi spécifiques, Berlioz confirme le fait que Gomis était un compositeur en mutation, celle d’un compositeur d’opéra-comique en un compositeur d’opéra. Cette nécessité avait déjà été soulevée au moment de la commande d’un ouvrage pour l’Académie royale de musique72. Peut-être est-ce la raison pour laquelle ce compositeur d’opéra-comique était apprécié non seulement par Berlioz – en quête lui-même d’un opéra nouveau – mais par les autres auteurs de la Revue, en général réticents à ce répertoire en mal de renouvellement. Le Ménestrel, dont les articles de compte rendu pointaient également l’instrumentation, l’orchestration et le caractère savant des morceaux d’ensemble73, va dans le même sens. On lit d’ailleurs une conclusion intéressante quant à la réception du Revenant, à l’occasion d’une reprise en juillet 1834 :
Cette brillante œuvre de M. Gomis, si remarquable par sa mâle instrumentation, a été accueillie avec délices par tous les partisans de l’école allemande ; et nous voyons avec plaisir que les rangs de ceux-ci grossissent chaque jour au théâtre de la Bourse74.
L’« école allemande », si elle renvoie à l’opéra allemand représenté par Weber notamment – compositeur dont Gomis était un fervent admirateur – est associée à un langage musical savant, sérieux (« mâle » donc, au sens de solide), travaillé plus généralement dans le répertoire symphonique et qui alimente les partitions d’opéra. À travers ce constat, l’œuvre de Gomis apparait donc comme un tremplin, une passerelle vers la scène idéale, celle de l’opéra.
On peut donc supposer que l’opéra-comique idéal, modèle, rêvé par la critique, était en fait un opéra.
Comme tout organe de presse spécialisé, les publications sur la musique œuvrent à la diffusion d’informations et d’analyses à l’échelle nationale et internationale. Mais la Revue musicale, la Revue et gazette musicale de Paris, tout comme Le Ménestrel, dont les dimensions et le projet diffèrent, sont des revues françaises, ce qui crée une polarité, et explique l’adoption d’un point de vue inféodé non seulement à une culture, avec sa langue et ses représentations, mais aussi à une actualité, qu’elle concerne ou non le contenu des articles. C’est un aspect que partagent ces deux publications : leur examen a montré combien l’actualité extra-musicale était présente dans chacune d’elles. Cette actualité concerne largement, entre 1833 et 1843, les relations entre la France et l’Espagne, cette dernière faisant l’objet de très nombreuses mentions. Avec leur livraison hebdomadaire, la Revue et Le Ménestrel relaient une actualité chargée, tant par les événements de la vie musicale que par ceux de la vie politique. La spécificité de cette décennie, mais aussi le débat sur la nation qui anime le siècle, imprègnent la presse musicale, qui, selon des outils bien spécifiques, alimente ce débat et produit elle aussi un discours visant à affirmer une position. Ainsi, au terme de cette recherche, il apparaît que quelle que soit la politique de la revue, c’est la revue elle-même qui est politique.
Le discours mis en place par les auteurs des articles pour actualiser la confrontation entre les deux pays se construit selon trois échelles qui permettent de circuler du général au particulier. Le processus se déroule selon trois stratégies qui sont simultanées. La première consiste dans la déconstruction ou la déréalisation de l’Espagne. Au rapport approximatif à la langue, ces articles ajoutent des analyses approximatives de l’histoire de la musique espagnole, mais aussi de l’actualité, donnant ainsi l’impression au lecteur que cette approximation est liée au désordre auquel le pays est en proie. Cette érosion de l’image de l’Espagne se prolonge dans les comptes rendus de spectacle. Ces articles, qui décrivent et analysent les représentations d’opéras-comiques, brouillent les frontières de la fiction et du réel en profitant d’une intrigue, d’un personnage auxquels le livret avait donné un caractère espagnol d’une part, et militaire d’autre part. La mimésis à l’œuvre dans une salle de spectacle, celle de l’Opéra-Comique, trouve un prolongement dans le compte rendu. Par cette seconde stratégie, les éléments de fiction invitent à réfléchir à la réalité, à la réfléchir pourrait-on dire, la dimension comique des livrets invitant à l’humour et à la dérision. L’Histoire de l’Espagne, comme son actualité, sont alors réécrites selon un parti pris défavorable, ces articles obtiennent alors l’effet du castigat ridendo mores de toute comédie réussie. Cette critique généralisée est cependant compensée, et, partant, justifiée, par, un troisième élément stratégique : la célébration de mythes espagnols choisis, voire construits selon des critères musicaux mais aussi moraux qui participent d’un idéal français. Or, si José Melchor Gomis est acclamé par la presse musicale française, c’est en partie parce que, forcé de s’exiler, il symbolise l’artiste accueilli par une nouvelle mère patrie, compétente, elle, pour comprendre le génie. C’est aussi parce que Gomis contribue au renouvellement d’un genre français, l’opéra-comique qui, s’il remplit les salles, reste cependant au second rang de la scène lyrique, derrière l’opéra. Ce que la critique musicale applaudit chez Gomis, c’est sa volonté de rendre le genre plus ambitieux et de bousculer ses conventions. Cet idéal trahit un désir plus profond, celui porté par certains contributeurs tels que Berlioz, d’ériger un opéra français.
L’efficacité de ces trois démarches se vérifie notamment par la variété des registres employés. Polémique, satirique, didactique, épidictique, épique, lyrique, chaque registre contribue à rendre le discours pertinent et à justifier son orientation quelle que soit la nature de l’article. La presse spécialisée semble alors non plus se définir comme une parcelle d’un territoire plus vaste, mais comme un organe aux outils performants capable de faire écho aux débats de la presse d’opinion.
En élaborant un discours critique à l’égard de l’Espagne, la presse musicale française de l’époque a réussi à s’emparer d’un pouvoir, celui de construire et diffuser sa propre représentation, de l’Espagne certes mais aussi d’elle-même, la critique de l’Espagne permettant de dessiner, à l’inverse, les contours d’un idéal propre. Au-delà de l’ancrage spatio-temporel qui caractérise le corpus étudié, chaque auteur cité est renvoyé à une problématique universelle : traverser la frontière qui sépare, inéluctablement, les mots et les choses.
Notes
1 Michel Foucault, L'Ordre du discours, Paris, Gallimard, NRF, 1971, p. 12.
2 Sur l’intervention de 1823, voir infra.
3 Henri Blanchard, « Concert donné par M. Osborne », Revue et gazette musicale de Paris, 18 mars 1838, no 11, p. 121.
4 Nous reprenons les termes appartenant aux célèbres définitions du discours par Dominique Maingueneau (Initiation aux méthodes de l’analyse du discours, Paris, Hachette, 1976, p. 16) et d’Émile Benveniste (Problèmes de linguistique générale, Paris, Gallimard, 1966, p. 242).
5 Pour des raisons pratiques, nous emploierons les abréviations suivantes pour désigner respectivement les titres successifs de la revue dans les notes de bas de page : RM pour Revue musicale et RGMP pour Revue et gazette musicale de Paris.
6 RGMP, 1er janvier 1837, no 1, p. 1
7 RGMP, 17 décembre 1837, no 51, p. 547 et 24 décembre 1837, no 52, p. 559.
8 Ibid., 24 décembre 1837.
9 Le Ménestrel, 14 novembre 1841, no 413, p. 3.
10 Nous reprenons cette expression communément employée dans la presse de l'époque, musicale ou non.
11 Charles Romey, « Théâtre de l'Opéra-Comique, La Figurante ou l'amour de la chose », RGMP, 26 août 1838, no 34, p. 329.
12 Nous avons localisé le document pour Adam, malheureusement, même si toute la presse consultée de l'époque l'atteste, nous n'avons pas trouvé celui concernant Gomis. Le musée de la Légion d'honneur a été sollicité en ce sens.
13 Catherine Sablonnière, « L’exilé espagnol dans la France de Louis-Philippe », Travaux et documents hispaniques/TDH, 1, 2011, Individu et société : représentation, rapports, conflits (I : Espagne), Publications électroniques de l’ERIAC, 2011.
14 « Nouvelles étrangères », RM, 10 août 1833, no 28, p. 223.
15 « Panseron. Album lyrique », RM, 21 décembre 1834, no 51, p. 407.
16 « Rubini Christinos », Le Ménestrel, 14 novembre 1841, no 413, p. 3.
17 « Nouvelles étrangères », RM, 12 octobre 1833, no 37, p. 295.
18 Le fait que la régente, Marie-Christine de Naples, soit d'origine italienne, ne suffit pas à l’expliquer.
19 « Miscellanées », RGMP, 27 septembre 1836, no 39, p. 312.
20 « Nouvelles étrangères », RM, 10 août 1833, p. 223.
21 Paul Ricœur, Sur la traduction, Paris, Bayard, 2004, p. 19.
22 « Fantaisie, Bolero et Caprice pour le piano par Stéphane Heller », RGMP, 19 novembre 1843, no 47, p. 396.
23 Citons un exemple emblématique : « De la musique en Espagne et dans le Portugal», RM, Supplément au no 45, 14 décembre 1833, p. 362-364.
24 Voir par exemple Moi, je suis espagnole dans « Boléro d'Amédée Beauplan, À Mme Vigano », Le Ménestrel, 15 août 1841, no 400.
25 Voici les références de l’une de ces pièces, conservée au département de la Musique de la BnF sous la cote Vm732886 : Le jeune Mina prisonnier au donjon de Vincennes. Boléro avec accompagnement de piano ou harpe et cor obligé, dédié à son ami Meifred, par Henri Blanchard. Le refrain commence ainsi : « Ô belle Andalousie ! Toujours ma voix redit tes chants d'Amour, ces Boléros chéris, de mon amie. »
26 D. Gxxx, « Lettre sur l'état de la musique à Madrid » RGMP, 4 août 1839, no 36, p. 281.
27 « Nouvelles », RGMP, 1er avril 1838, no 11, p. 148.
28 « Nouvelles », RGMP, 19 août 1838, no 33, p. 333.
29 Horace G., « Le Théâtre musical de Madrid », (Horace G.), RGMP, 6 janvier 1839, no 1, p. 3.
30 Henri Blanchard, « La musique de Cabrera », RGMP, 26 septembre 1841 no 52, p. 429.
31 Henri Blanchard, « Deuxième concert de la “Gazette Musicale”, à propos de l'Andante du Quintette de Mme Farrenc », RGMP, 19 décembre 1841 no 64, p. 570-571.
32 Henri Blanchard, « Les guitaristes », RGMP, 2 octobre 1842, p. 395.
33 « Nouvelles », RGMP, 26 novembre 1837, p. 512.
34 L. Rellstab., « Correspondance particulière. État de la musique à Berlin (Berlin, le 30 mai 1838) », RGMP, 24 juin 1838, no 25, p. 260.
35 « Théâtre Royal de l'Opéra-Comique. Le Code noir, opéra-comique en 3 actes. Paroles de M. Scribe ; musique de M. Clapisson (première représentation) », RGMP, 12 juin 1842, no 24, p. 243.
36 François-Joseph Fétis, « Hérold », RGMP, 10 mars 1839, p. 75.
37 « Théâtre de l'Opéra-Comique. Les Diamants de la couronne ; Opéra-comique en trois actes. Partition de M. Auber ; libretto de MM. Scribe et de Saint-Georges (première représentation) », RGMP, 11 mars 1841, no 20, p. 154.
38 « Nouvelles de Paris. Théâtre de l'Opéra-Comique. La Marquise opéra-comique en un acte de MM. Saint-Georges et Leuven, musique de M. Adam », Revue musicale, 8 mars 1835, no 10, p. 78-79.
39 « Théâtre Royal de l’Opéra-Comique. Le Kiosque », Le Ménestrel, 6 novembre 1842, no 464, p. 2.
40 Ibid.
41 Le Kiosque, opéra-comique en un acte par MM. Scribe et Paul Duport, musique de M. Mazas, représenté pour la première fois sur le Théâtre Royal de l’Opéra-Comique le 3 novembre 1842, Bruxelles, Lelong, 1842, p. 15-18.
42 « Théâtre Royal de l’Opéra-Comique. Le Duc d’Olonne », RGMP, 6 février 1842, no 6, p. 1.
43 Id., p. 2.
44 « Théâtre Royal de l'Opéra-Comique. Le Duc d'Olonne », RGMP, 6 février 1842, no 6, p. 2.
45 Catherine Sablonnière, « Espions et consuls de l’Espagne d’Isabelle II en France : la menace de conjuration, miroir d’un État libéral instable », dans Béatrice Pérez (dir.), Ambassadeurs, apprentis espions et maîtres comploteurs en Espagne. Les systèmes de renseignement à l’époque moderne, Paris, PUPS, 2010, p. 469-487.
46 Louis Viardot, « Razón de la política que se ha seguido con respecto a España », El Eco del comercio, 10 décembre 1836, no 955, p. 3.
47 « Honneurs funèbres rendus à Mme de Bériot », RGMP, 8 janvier 1837, no 2, p. 15.
48 F.-J. Fétis, RGMP, 23 décembre 1838, no 51, p. 516.
49 Ibid.
50 Ernest Legouvé, « Concerts de M. de Bériot et de Melle Pauline Garcia », RGMP, 23 décembre 1838, no 51, p. 519.
51 Gérard Noiriel, Immigration, antisémistisme et racisme en France xixe-xxe siècle. Discours publics, humiliations privées, Paris, Fayard, 2007, chap. ier.
52 « Buste de Gomis », RGMP, 24 mars 1839, no 277, p. 4.
53 J.J.J. DIAZ, « La musique en Espagne », RGMP, 29 mai 1836, no 22, p. 175.
54 « M. Gomis », Le Ménestrel,28 juin 1835, no 83, p. 1-4.
55 Ibid.
56 Voir James Radomski, Manuel García (1775-1832). Maestro del bel canto y compositor, Madrid, ICCMU, « Música Hispana », 2002, p. 241-246.
57 « Nouvelles », RGMP, 2 août 1835, p. 259.
58 Occurrences trop nombreuses pour les faire figurer dans cet article.
59 Édouard Fétis, « Nouvelles de Paris. Théâtre de l’Opéra-Comique. Le Revenant », RM, 5 janvier 1834, no 1, p. 6-7.
60 En 1833, le théâtre de l’Opéra-Comique avait vu la création des œuvres suivantes : Le Mort fiancé de Ginestet, Le Souper du mari de Despréaux, Les Souvenirs de Lafleur de Halévy, Le Podestat de Vogel, Les Gondoliers de Blangini, Ludovic de Hérold et Halévy, Cinq ans d’entracte de Leborne, La Prison d’Édimbourg de Carafa, Le Proscrit d’Adam, Une journée de la Fronde de Carafa. Voir Nicole Wild et David Charlton, Théâtre de l’Opéra-Comique. Paris. Répertoire 1762-1972, Sprimont, Mardaga, 2005, p. 78.
61 Édouard Fétis, « Reprise du Revenant », RM, 20 juillet 1834, no 29, p. 240, « Cet opéra renferme des morceaux plein d’originalité ».
62 Voir l’édition critique de la partition : José Melchor Gomis, Le Revenant, ópera fantástica en dos actos y cinco cuadros, libreto de Albert de Calvimont, edición crítica de Tomás Garrido, Madrid, ICCMU, 2000, p. xiv-xv. De nombreux éléments actualisés de la vie et l’œuvre de Gomis sont aussi présents dans cette autre édition : José Melchor Gomis, La Diable à Séville, opéra-comique en un acte, libreto de Hygin Auguste Cavé, edición crítica de Tomás Garrido, Madrid, ICCMU, 2010.
63 Naumann, « Le Revenant », RGMP, 12 janvier 1834, no 3, p. 24.
64 « Nouvelles », RGMP, 16 mars 1834, no 11, p. 90.
65 RGMP, 27 juillet 1834, no 30, p. 244.
66 Aben Humeya ou la Révolte des Maures sous Philippe II, drame historique par D. F. Martinez de la Rosa, représenté pour la première fois à Paris, sur le théâtre de la Porte-Saint-Martin, 19 juillet 1830, Paris, Didot, 1830.
67 Voir « Nouvelles de Paris. Théâtre de l’Opéra-Comique. Première représentation du Portefaix », RM, 21 juin 1835 no 25, p. 195-197.
68 « Nouvelles », RM, 22 novembre 1835, no 47, p. 387.
69 J. J. J. Diaz, « Théâtre de l’opéra-Comique. Rock-Le-Barbu », RGMP, 22 mai 1836, no 21, p. 174-175.
70 H. Berlioz, « Gomis », RGMP, 7 août 1836, p. 275-277.
71 Ibid.
72 Voir note 67.
73 Voir notamment les articles du Ménestrel datés du 5 janvier 1834 (« Théâtres. Opéra-Comique. Le Revenant », p. 4) et du 28 juin 1835 (« M. Gomis », p. 1 et 4).
74 « Opéra-Comique », Le Ménestrel, 27 juillet 1834, no 55, p. 4.