Le journalisme sur la scène, entre comédie de mœurs et vaudeville
Table des matières
GIOVANNA BELLATI
La représentation du journaliste sur la scène théâtrale a récemment fait l’objet d’une analyse de Francis Moureau dans son livre La Plume et le Plomb, dans lequel l’auteur s’interroge sur la circulation des écrits, manuscrits ou imprimés, sous l’Ancien Régime1. Dans le chapitre intitulé « Miroir déformant : le journaliste au théâtre »2, l’auteur prend en considération un corpus de vingt-neuf pièces, publiées et représentées entre 1672 et 1806, qu’il regarde surtout sous l’optique de l’historien de la presse. À l’intérieur de ce corpus, il opère une distinction de base fondée sur deux modèles d’intrigues récurrents ; le premier est le « modèle-Tartuffe » – dans lequel le journaliste est l’imposteur qui exploite la bonne foi, la naïveté ou la vanité d’un brave bourgeois –, le second se rattache à la lignée de la « pièce à déguisement », mettant en scène un jeune homme qui se déguise en journaliste pour s’introduire chez sa bien-aimée et obtenir sa main. Dans l’ensemble, la présentation du journaliste (ou de son ancêtre le « nouvelliste ») n’est pas très variée : caractère négatif par excellence, il apparaît comme un marginal, vivant d’intrigues et de calomnies, personnage dangereux qui peut causer du désordre sur le plan individuel et social.
La pièce la plus significative pour la caractérisation du journaliste est L’Écossaise de Voltaire, représentée à Paris en août 1760, qui contient une description venimeuse d’un « écrivain de feuilles » nommé Frélon, dans lequel l’auteur attaque le Fréron de la célèbre épigramme. Présent surtout au premier acte, il n’intervient que sporadiquement dans le reste de la pièce et disparaît totalement dans le dénouement ; assez marginal dans le déroulement de l’action, ce personnage est surtout utilisé par Voltaire pour sa valeur de portrait, et si son importance dramatique est assez réduite, en revanche sa description est beaucoup plus détaillée que pour tous les autres personnages3. Voltaire fait de lui une espèce de « caractère » à la manière de La Bruyère, dont les traits distinctifs sont la médiocrité, le cynisme, la lubricité, et dont le système est de médire de tout, par calcul ou par goût, s’attaquant tour à tour à la politique, à l’économie, à la littérature, aux spectacles, ainsi qu’à la vie privée des gens. Ce type servira de modèle pour la création de bien des personnages de journalistes dans des pièces chronologiquement postérieures.
L’étude que nous proposons sera centrée sur l’image que le théâtre a donnée de la presse et du journaliste dans la première moitié du XIXe siècle, de l’époque napoléonienne à la fin de la monarchie de Juillet ; nous avons réuni une douzaine d’œuvres de cette époque, que nous avons analysées sur la base de quelques paramètres qui seront explicités plus loin4.
Le corpus des pièces
Voici la liste des pièces examinées5 :
D’un point de vue chronologique et historique, les pièces peuvent être regroupées en trois séries, la première se rattachant à l’époque napoléonienne (Le Journaliste ou l’Ami des mœurs, Arlequin journaliste, Le Journaliste ou les menées du feuilleton, Le Journaliste ou la fête à l’impromptu), la deuxième à la Restauration (Le Folliculaire, La Suite du Folliculaire, Le Charlatanisme), la troisième à la monarchie de Juillet (La Camaraderie, L’École des journalistes, La Calomnie, Jeannic le Breton, Le Puff) : la distribution apparaît assez équilibrée, même si l’on note quelques concentrations, par exemple pour les deux pièces écrites en 1820 (mais l’une est la suite de l’autre), et pour le groupe des quatre parues ou représentées dans l’espace de cinq ans, de 1837 à 1841 ; quant à la distribution par genre, on remarque que la plupart des pièces sont des vaudevilles ou des comédies de mœurs, avec une présence très faible du drame.
Pour étudier le personnage du journaliste, nous avons élaboré une grille de lecture qui a tenu compte, essentiellement, de critères d’analyse tirés des méthodes structurale, actantielle et sémiologique ; nous avons donc pris en compte les données spatio-temporelles et le développement de l’action, le rôle du journaliste dans les différentes pièces, sa fonction dramatique et sa caractérisation à travers sa description et ses actions.
Données spatio-temporelles
L’examen des données spatio-temporelles nous montre que la presque totalité des pièces se situe dans la contemporanéité la plus stricte, ce qui n’a en soi rien d’étonnant, étant donné le sujet traité d’un côté, et les genres dramatiques auxquels les pièces appartiennent d’un autre côté : le journalisme, sujet éminemment actuel, est surtout traité dans des vaudevilles et des comédies de mœurs, des genres qui s’intéressent presque exclusivement à l’époque contemporaine. La seule pièce qui fasse exception est aussi le seul drame compris dans notre corpus, c’est-à-dire Jeannic le Breton, dont l’action se situe sous le Directoire, en 1798 : si l’on ne peut pas parler de stricte contemporanéité, dans ce cas, il reste néanmoins que l’action de la pièce se déroule dans un passé très proche, et que la peinture qui est faite de la presse pourrait facilement s’adapter à l’époque contemporaine.
Nous avons également pris en considération les caractéristiques des lieux qui servent de cadre à l’action, nous demandant, en particulier, si les auteurs avaient cherché à représenter un espace « connoté », c’est-à-dire directement lié au journalisme. Dans un certain nombre de pièces (par exemple Le Journaliste ou l’Ami des moeurs, Le Journaliste ou les menées du feuilleton, Le Journaliste ou la fête à l’impromptu, La Suite du folliculaire, L’École des journalistes), l’action se passe, totalement ou en partie, dans la maison du journaliste, qui souvent est aussi son lieu de travail. Les didascalies peuvent nous montrer alors des décors qui prennent en compte l’activité de l’écriture : « Le Théâtre représente un Salon ; à droite de l’acteur est un bureau, plusieurs papiers, quelques journaux, plumes, écritoire etc. » (Le Journaliste ou la fête à l’impromptu) ; « Le Théâtre représente le cabinet de travail du journaliste, un bureau, une table, une place, un canapé etc. » (La Suite du folliculaire).
La maison du journaliste peut d’ailleurs servir de cadre à l’action sans être spécifiquement décrite, comme dans Le Journaliste ou l’Ami des moeurs ou Le Journaliste ou les menées du feuilleton, ou bien elle n’apparaît que dans une partie de la pièce, comme dans L’École des journalistes ; parfois d’autres éléments relatifs à la vie du journal peuvent être évoqués : « Le Théâtre représente, à droite, l’échoppe et la maison de La Ronde ; à gauche, l’imprimerie du journal l’Original » (Arlequin journaliste).
On ne montre jamais, cependant, un bureau de journal, une rédaction, ou les lieux de la fabrication du journal : à part quelques descriptions, assez sporadiques et générales, de la maison ou du cabinet du journaliste, l’espace de l’action est en général neutre ; on ne peut donc pas parler d’une attention des auteurs pour une couleur locale « journalistique ».
Le personnage du journaliste et ses fonctions dramatiques
Le personnage du journaliste est représenté en tant que tel dans dix des pièces de notre corpus ; dans deux autres, La Camaraderie et La Calomnie, il n’y a pas un personnage effectivement présenté comme journaliste sur la scène, mais le journalisme et en général les effets de la diffusion de la presse sont simplement évoqués. Bien que le personnage soit soumis à des présentations et à des traitements très variables dans les différentes pièces – si bien qu’il est impossible de reconnaître un type, ni même un profil prédominant – nous avons pu observer un certain nombre de constantes.
Le journaliste joue souvent le rôle de protagoniste dans les œuvres de notre corpus, même s’il n’a pas forcément une fonction dramatique active : certaines œuvres nous le montrent comme un personnage actif, qui conduit l’action et met en place, ou s’efforce de maintenir, une relation de supériorité ou de domination à l’égard des autres ; tels sont, par exemple, Germence dans Le Journaliste ou l’Ami des moeurs, Arlequin dans Arlequin journaliste, Valcour dans Le Folliculaire. Mais le journaliste peut être aussi un personnage totalement passif : certaines pièces nous le présentent comme l’objet d’une vengeance qu’il s’est attirée par ses calomnies et ses perfidies, et que les autres personnages coalisés mènent à bien (Le Journaliste ou les menées du feuilleton, La Suite du folliculaire), ou bien comme un niais qui se laisse rouler (Le Journaliste ou la fête à l’impromptu). Encore, la fonction dramatique peut se changer d’active en passive, comme dans le personnage de Valcour : après avoir conduit ses victimes au bord du précipice, il commet une erreur qui permet à celles-ci de le démasquer. Dans les six premières pièces du corpus, nous considérons toujours, en tout cas, le journaliste comme le personnage principal, soit qu’il conduise l’action, soit qu’il subisse l’initiative des autres, soit qu’il ait tour à tour une fonction active ou passive : sa présence en scène est toujours importante, souvent prédominante, et c’est autour de lui que l’intrigue se noue.
Le journaliste n’est pourtant pas toujours le protagoniste de la pièce : dans Le Charlatanisme, Jeannic le Breton et Le Puff, l’action tourne autour de personnages différents, de manière que le publiciste se trouve relégué dans un rôle secondaire, quoique, généralement, essentiel pour l’intrigue : dans Le Charlatanisme et Le Puff, il est co-protagoniste, dans Jeannic le Breton surtout antagoniste.
Un élément commun à la plupart des pièces analysées est, en revanche, la mise en scène d’un personnage unique de journaliste : Germence (Le Journaliste ou l’Ami des moeurs), Godefroy (Le Journaliste ou les menées du feuilleton), Dumont (Le Journaliste ou la fête à l’impromptu), Valcour (Le Folliculaire et La Suite du folliculaire), Rondon (Le Charlatanisme), pour citer les principaux, sont des exemples d’ « unicité » du journaliste dans les œuvres correspondantes, qui, de ce fait, donnent généralement une image unilatérale du journalisme et de la presse.
Deux pièces constituent une exception par rapport à ce modèle dominant : Jeannic le Breton et L’École des journalistes. Dans la première, deux exemples de journaliste sont montrés, l’un qui n’aspire qu’à s’enrichir et qui met en œuvre un journalisme fondé sur la calomnie et les scandales, l’autre qui met son travail au service d’un idéal politique. Le journalisme apparaît donc comme ambivalent, c’est une activité vénale ou une mission sociale selon la manière dont il est pratiqué : cette pièce est la seule, dans notre corpus, qui dévoile deux aspects opposés du journalisme, montrant cette activité comme un instrument qui n’est ni bon ni mauvais en soi, mais qui peut être bien ou mal utilisé.
Dédoublé dans Jeannic le Breton, le personnage du journaliste est soumis à une véritable multiplication dans L’École des journalistes, pièce qui met en scène un groupe formé d’un rédacteur en chef et de ses collaborateurs, ainsi qu’un gérant responsable et un banquier qui finance l’entreprise. La multiplication des journalistes ne semble pas, toutefois, aboutir à une diversification à l’intérieur du même type : même si Martel, le rédacteur en chef, joue un rôle plus important et mieux défini tant d’un point de vue dramatique que psychologique, la pièce ne montre pas des images très différentes des journalistes, si bien que le procédé de la multiplication ne semble pas avoir une valeur de différenciation, mais plutôt d’intensification des caractéristiques du personnage.
L’image de la presse à travers le personnage du journaliste
Le portrait moral du journaliste, et l’image qu’on a tendance à donner de la presse dans bon nombre des œuvres analysées, sont le plus souvent négatifs ; dans la moitié des pièces à peu près (Le Journaliste ou les menées du feuilleton, Le Folliculaire, La Suite du Folliculaire, L’École des journalistes, La Calomnie, en partie Jeannic le Breton et Le Puff), le journaliste apparaît comme l’anti-héros par excellence – dominé par l’avidité, le cynisme, l’absence de scrupules, et toute une série de défauts des plus odieux – et la fonction sociale de la presse est montrée comme absolument néfaste. Une seule pièce nous présente une figure de journaliste totalement positive : il s’agit de la comédie de Vincent Lombard de Langres Le Journaliste ou l’Ami des mœurs, dans laquelle le protagoniste Germence, fondateur du journal L’Ami des mœurs, est une espèce de philanthrope, de saint laïque consacré au bonheur des autres. La fonction de la presse est explicitée dès la première scène dans la tirade du protagoniste, qui, au moment de fonder L’Ami des mœurs, lui attribue le pouvoir d’une « arme terrible » pour combattre le mal social, une arme au service du Bien que seuls doivent manier ceux qui ont le « sentiment sublime de la vertu ». L’action nous montre un protagoniste absolument dominant à tous les points de vue : sa présence en scène est pratiquement totale, il exerce son influence sur le destin des autres, ainsi que sur leurs idées et leurs manières d’agir ; il n’a pas d’antagoniste véritable, c’est un vainqueur du début à la fin de la pièce. Ce qui réduit pourtant l’efficacité de cette présentation d’un « journalisme utopique » est le fait qu’on voit très peu – ou qu’on ne voit pas du tout – le protagoniste en action en tant que journaliste ; ses actes de générosité, ses bons sentiments, ses tirades moralisantes sont constamment mis au premier plan, mais on ne le voit pas pratiquer effectivement son métier.
L’autre pièce qui nous propose – partiellement – une image positive de la presse est Jeannic le Breton, ou le Gérant responsable, publiée sous le nom d’Eugène Bourgeois, mais attribuée aussi à Dumas. Ce drame, représenté pour la première fois au Théâtre de la Porte-Saint-Martin le 27 novembre 1841, est la seule pièce de notre corpus qui présente deux types de journalistes tout à fait antithétiques, qui sont censés représenter le « bon » et le « mauvais » journalisme : d’Horiac, image de la presse-spéculation fondée sur la calomnie et la diffamation, et Fabien, symbole d’un journalisme engagé dans le combat social et politique. Malgré un certain simplisme, une schématisation psychologique en général trop accentuée et l’utilisation d’un certain nombre de clichés rebattus, la pièce s’efforce de donner une impression plus impartiale de la presse, offrant aussi, dans quelques scènes, une description précise et réaliste de la gestion d’un journal, dans laquelle réside peut-être l’intérêt principal de l’œuvre (acte I, scènes 4-5 ; acte III, scène 3 ; acte IV, scènes 5 à 7).
Jeannic le Breton, estampe représentant le personnage de Marie
Dans les autres pièces de notre corpus, le journalisme est généralement présenté sous un mauvais jour : l’un des portraits les plus noirs du journaliste se trouve, par exemple, dans Le Folliculaire d’Alexandre de la Ville de Mirmont. Cette comédie de mœurs est intéressante pour sa reprise des modèles classiques, surtout de Molière mais aussi de Beaumarchais ; elle réunit les deux intrigues-type que Francis Moureau avait reconnues dans la représentation du journaliste à la scène : celle de l’escroc qui vit aux dépens d’un honnête bourgeois trop crédule et celle de l’amoureux qui se déguise en journaliste pour conquérir sa bien-aimée. Les autres personnages sont également ceux de la comédie classique : le valet intéressé et peu scrupuleux, la soubrette alliée de sa jeune maîtresse, et surtout le frère ou le beau-frère « raisonneur » et « honnête homme » de la tradition moliéresque ; la structure, le langage, le milieu évoqué, les mentalités et les valeurs proposées, les relations entre les personnages sont également redevables des modèles classiques. L’image donnée de la presse est toute négative, et malgré quelques réserves ou quelques limitations très générales, aucune fonction positive ne lui est reconnue dans la pièce : on affirme vaguement que les bons journalistes existent quelque part, mais l’action ne montre, en fait, qu’un journaliste corrompu et n’évoque que des formes de journalisme banales ou immorales. Bien que l’œuvre ne soit pas centrée sur la « vie du journal », et qu’elle ne montre essentiellement que les conséquences fâcheuses de la diffusion de la presse dans la vie sociale, elle propose toutefois un portrait satirique du « rédacteur ambulant » détaillé et amusant (acte II, scène II).
Des peintures de la presse comme véritable fléau social se retrouvent encore dans Le Journaliste ou les menées du feuilleton, dans L’École des journalistes et dans La Calomnie de Scribe ; chez ce dernier on peut tout de même observer aussi une tendance à présenter les effets de la presse dans la société de manière plus nuancée. Trois pièces de notre corpus – Le Charlatanisme, La Calomnie et Le Puff – nous présentent une image de la presse qui est surtout ambiguë : les journaux ont ce pouvoir redoutable de faire et de défaire les réputations, de faciliter ou d’empêcher les carrières et les efforts des individus pour s’assurer une place dans la société, mais cette prérogative peut être utilisée pour défendre aussi bien une bonne qu’une mauvaise cause.
Le Charlatanisme, scène IV, Rondon et Delmar : la préparation du compte rendu
Ces trois pièces, toutes de Scribe, nous présentent des personnages et des situations différentes mais qui ont des points communs ; l’image que chacune d’elles donne de la presse n’est certes pas positive : les journaux sont dans les mains de charlatans ; ils colportent des mensonges, des calomnies, des faits totalement inventés ou exagérés à dessein, mais ils ont un pouvoir de persuasion que rien n’égale, un pouvoir inquiétant d’influencer les idées et les consciences. Ce qui change dans les pièces de Scribe n’est donc pas l’analyse qu’on fait de la presse ; on ne s’efforce pas non plus de contrecarrer cette puissance ou de lui opposer des moyens plus honnêtes : on montre tout simplement que les exagérations, les mystifications ou les mensonges de la presse peuvent servir pour favoriser quelqu’un de bien, qui mérite de réussir. Dans Le Charlatanisme et dans La Calomnie, en particulier, la situation est pratiquement la même : un jeune homme très doué mais naïf et idéaliste veut obtenir une place importante pour conquérir la jeune fille qu’il aime ; des amis ou la jeune fille même l’aident grâce à un certain nombre d’expédients, entre autres en faisant imprimer des articles élogieux qui lui font une réputation méritée – quoique inventée –, qu’il n’aurait jamais eue sans le recours à ces moyens peu orthodoxes.
Il se dégage de ces pièces une espèce d’anti-morale plus ou moins subtile et masquée, selon laquelle l’honnêteté, la sincérité, l’idéalisme sont de bonnes qualités mais ne mènent pas au succès ; pour arriver, il faut employer d’autres armes, telles l’intrigue, la ruse, la fausseté. Suivant la morale de la fin qui justifie les moyens, ces pièces montrent un complot organisé en vue de la réussite, à son insu, du jeune homme candide : tout en répondant à des principes de justice, puisque le vainqueur a du mérite, les moyens employés pour arriver sont le mensonge et l’intrigue, tandis que la droiture, la sincérité ou l’idéalisme suscitent plutôt le sourire et l’ironie que l’admiration.
Analogues dans leur signification, les deux pièces sont pourtant différentes dans leur structure et surtout dans le développement des thématiques et des situations qu’elles décrivent : à l’action rapide et cocasse du Charlatanisme s’oppose l’ampleur et le sérieux de La Calomnie, qui, de ce fait, nous propose une analyse bien plus précise et nuancée de la presse, de sa capacité de persuasion et de ses conséquences sur la vie et sur le destin des individus. Tout le premier acte – et en particulier les scènes 4 et 6 – est focalisé sur cette analyse : le pouvoir immense de la presse, dans une société qui vit d’apparence, de battages publicitaires, de colportage de faussetés, est surtout dans sa facilité de diffusion, dans sa capacité d’atteindre très rapidement un vaste public, mais aussi, en même temps, dans la persuasion et l’autorité qui émanent de la parole écrite et du texte imprimé, qui jouissent d’un immense prestige : « C’est écrit ! C’est imprimé ! » (acte I, scène 4)6. La toute-puissance de la presse a généralement une influence nuisible sur la vie sociale, d’un côté parce que les mensonges des journaux créent des opinions inexactes chez les lecteurs, d’un autre côté parce que ces derniers montrent un penchant de plus en plus dangereux à soumettre leurs décisions et leurs actions aux modèles proposés par les journaux ; le quotidien est appelé « la conscience de la journée », qui chaque matin indique aux lecteurs ce qu’il faut dire ou penser7.
La troisième pièce de cette trilogie sur le bon usage de la mauvaise presse est Le Puff, au sous-titre emblématique de Mensonge et vérité, dans laquelle l’ambiguïté du discours de la presse est posée dès le début : le puff est « l’art de semer et de faire éclore, à son profit, la chose qui n’est pas » (acte I, scène 2), c’est l’invention de faits inexistants colportés par les journaux, mais c’est finalement un phénomène inoffensif, puisque tout le monde connaît son fonctionnement. Cette pièce met en scène le paradoxe du mensonge qui est destiné à se neutraliser par lui-même, ce qui est rationnellement prouvé par le philosophe Desgaudets :
Quand tout le monde sera bien persuadé […] que la plupart de nos grands hommes […] sont des mensonges vivants […] ; que dans la composition de presque toutes les renommées qui se fabriquent, il n’entre pas un seul mot de vrai, la société finira […] par devenir tellement incrédule, que pour lui faire accroire qu’on a du mérite, on sera réellement obligé d’en avoir… et c’est ainsi que l’école du mensonge sera devenue l’école de la vérité (acte V, scène 5).
Tout en ayant beaucoup d’analogies avec les deux premières pièces pour l’intrigue et les situations représentées, Le Puff présente une particularité unique à l’intérieur de notre corpus dramatique : c’est la seule pièce qui mette en scène un journaliste de sexe féminin, dont le personnage est bâti sur le patron des Femmes savantes ; Corinne, la femme journaliste, a les mêmes traits psychologiques que les bas-bleus moliéresques : la vanité, l’absence de sentiments profonds, une conscience « féministe » avant la lettre8. Un autre sentiment très marqué complète son portrait : c’est l’ambition, qui se concrétise surtout dans le désir d’acquérir un titre nobiliaire par le mariage. Pour le reste, cette femme journaliste est montrée, comme ses confrères, dans la toute-puissance que son activité lui procure : étant essentiellement feuilletoniste et critique littéraire, elle se vante de bâtir et de détruire la renommée des écrivains, de manipuler les élections académiques, de faire de son journal un piédestal pour ses amis, une barrière pour les autres. Dans la pièce, elle a une fonction dramatique de premier plan : c’est le personnage qui projette et dirige l’action, elle participe à la préparation du dénouement, elle entretient des relations dominantes avec les autres personnages, au moyen de la ruse, du chantage ou en exploitant l’affection qu’ils ont pour elle. La « morale » aussi est semblable à celles des deux pièces précédentes : le mensonge – le puff dans ce cas – est indispensable à la réussite, même les meilleures causes ne peuvent éviter d’y avoir recours.
Le dénouement
Comme pour les situations mises en scènes et pour les différents portraits esquissés du type du journaliste, une variété considérable se dessine également dans les dénouements des œuvres analysées. Un certain nombre de pièces aboutit à des conclusions nettes et définitives, qui peuvent montrer le journaliste comme le héros vainqueur dont le triomphe est absolu : c’est le cas de Germence dans Le Journaliste ou l’Ami des moeurs, d’Arlequin dans Arlequin journaliste, de Fabien dans Jeannic le Breton. Dans Le Journaliste ou l’Ami des moeurs et dans Jeannic le Breton, nous assistons au triomphe complet et éclatant du « bon » journaliste, tandis que dans Arlequin journaliste le contexte généralement farcesque de la pièce entraîne assez naturellement une conclusion qui ne laisse pas de doute sur le sort des personnages.
Un dénouement définitif mais opposé montre le journaliste vaincu ; c’est le cas de Godefroy dans Le Journaliste ou les menées du feuilleton, de Valcour dans Le Folliculaire et La Suite du folliculaire, de d’Horiac dans Jeannic le Breton : dans ces pièces la défaite matérielle et morale du journaliste correspond à la punition du traître typique des œuvres de nature moralisante. Une variante est celle du journaliste berné, que nous trouvons dans Le Charlatanisme, où le personnage n’est pas vraiment négatif, mais tout simplement ridicule.
Restent les œuvres où la conclusion est assez ambiguë ou indéfinie, comme L’École des journalistes, La Camaraderie, La Calomnie, Le Puff, et en partie Le Folliculaire ; dans ces cas on reconnaît un certain nombre de variantes dans les dénouements :
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on comprend que le journaliste est momentanément neutralisé mais qu’il pourrait redevenir dangereux (Le Folliculaire)
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on voit que la calomnie – dont la presse est l’un des principaux véhicules – ne sera jamais réduite au silence, que c’est une espèce d’Hydre dont les têtes repoussent sitôt coupées (La Calomnie)
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quand la trame est particulièrement complexe et voit s’entrelacer des actions multiples, les conclusions aussi peuvent être plus d’une, montrant que le mal fait par la presse est tantôt réparé, tantôt irréparable (L’École des journalistes)
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dans d’autres pièces la conclusion est encore moins définie : les calomnies et les mensonges diffusés par la presse sont neutralisés mais par hasard, et on comprend que ces coups auraient pu aussi bien accabler et ruiner un innocent (La Camaraderie, et en partie Le Puff).
On voit que l’ambiguïté de la conclusion est surtout le fait de la comédie de mœurs ; le drame – dont Jeannic le Breton est notre seul exemple – présente une conclusion décisive, montrant une humanité assez nettement partagée entre le bien et le mal, division dont la portée influe sur la situation des personnages au dénouement, qui sont définitivement vainqueurs ou vaincus. De l’autre côté, le vaudeville aboutit naturellement à une conclusion positive, bien que toute l’atmosphère soit, dans l’ensemble, plus légère et plus gaie, moins portée à la représentation de conflits et de situations sombres. Une caractéristique du vaudeville de Scribe – et parfois de sa comédie de mœurs – est, à la dernière scène, l’effort de réconciliation des parties ou de relativisation d’une morale qui pouvait sembler trop cynique :
[…] cette fois du moins la vogue a rencontré le mérite ; mais disons, en l’honneur de la morale, que les réputations qui se font en vingt-quatre heures, se détruisent de même, et que si le hasard ou l’amitié commencent les renommées, c’est le talent qui les soutient et qui les consolide (Le Charlatanisme).
On arrive quand on a des camarades […]. Mais on reste quand on a du talent ! (La Camaraderie).
Situations, personnages et motifs récurrents
Nous donnons ci-dessous un bref aperçu de quelques éléments structuraux – personnages, thématiques, gags ou patrons dramatiques – dont la présence fréquente dans les pièces de notre corpus peut les signaler comme des topoï de la mise en scène du journalisme.
Le journaliste-Tartuffe
Ce thème – qui montre combien le théâtre de cette époque est encore redevable du classicisme, notamment de Molière – est une reprise et une adaptation du type de Tartuffe à l’époque contemporaine et au type du journaliste. Ce dernier est un hypocrite et un escroc qui vit aux dépens d’une famille de la bourgeoisie aisée : le journaliste-Tartuffe s’installe chez le père de famille, lui soutire son argent, intrigue pour épouser la fille de la maison. De son côté, le père est un bourgeois d’un certain âge, peu cultivé mais entiché de littérature et de journaux, qui se laisse mener par le bout du nez par l’escroc, quitte à le mettre à la porte au moment où il est convaincu de la fausse amitié de celui-ci et du danger qu’il constitue pour sa famille. Ce type et cette situation se trouvent dans Le Folliculaire.
Le bourgeois entiché de journalisme
C’est un personnage dont la dérivation classique est également évidente : il descend directement des pères maniaques moliéresques, obsédés par une idée fixe, tels Orgon, Harpagon, Argan. Dans notre cas, la manie est une admiration excessive et ridicule pour le journalisme et la littérature, et surtout le désir de se voir cité dans les pages d’un journal ; ce brave bourgeois crédule, plutôt illettré et très autoritaire, aimant la flatterie et croyant fermement à tout ce qu’il lit dans les journaux, s’entête, entre autres, à vouloir donner sa fille en mariage à un journaliste. L’exemple le plus complet et le plus proche de Molière se trouve dans Le Folliculaire, mais, même décliné en plusieurs variantes, ce personnage se reconnaît aussi dans Arlequin journaliste, Le Charlatanisme et La Suite du folliculaire.
L’amoureux qui se feint journaliste
C’est encore un personnage de comédie classique : l’amoureux qui s’introduit, grâce à un déguisement, dans la maison de sa bien-aimée pour être près d’elle, se déclarer, obtenir sa main, c’est le Comte Almaviva de Beaumarchais. Ce personnage, représenté surtout par Belval dans Le Folliculaire, mais dont une variante se trouve dans Arlequin journaliste, est généralement lié au précédent : l’amoureux se déguise en journaliste pour tirer parti de la manie du père de sa fiancée.
Le défilé des fâcheux et des solliciteurs
C’est un autre patron dramatique classique, lui aussi présent, entre autres, dans Le Barbier de Séville : une série de personnages différents (ou bien le même personnage sous des déguisements différents) se présentent dans la maison d’une victime désignée qu’on s’amuse à ridiculiser l’empêchant de vaquer à ses affaires. Dans l’occurrence, le ridicule est le journaliste : le motif se trouve dans Le Journaliste ou les menées du feuilleton, Le Journaliste ou la fête à l’impromptu, et, sous une optique moins burlesque, dans L’École des journalistes ; on le trouve également dans Le Folliculaire et dans La Suite du folliculaire : dans ce cas, ce sont des solliciteurs, qui viennent demander un article, se plaindre, remercier, ou flatter le journaliste pour obtenir un service.
La lecture du courrier
Ce motif peut s’ajouter au défilé des solliciteurs (Le Folliculaire, La Suite du folliculaire, Le Journaliste ou les menées du feuilleton) : il s’agit d’une scène dans laquelle, généralement le matin, le courrier, les colis, les cadeaux arrivent chez le journaliste qui les examine. Cet expédient dramatique montre la corruption du journaliste, qui accepte ou refuse d’écrire un article d’éloges ou de rétracter une critique négative, selon le prix des cadeaux reçus.
Dans cette même situation, ou dans des situations analogues, on voit aussi un autre motif qui concourt à démontrer la mauvaise foi ou la malhonnêteté du journaliste : on montre que celui-ci, et particulièrement le feuilletoniste, écrit ses articles et ses comptes rendus sans lire les textes, sans aller au théâtre, sans connaître les auteurs ou les acteurs dont il fait l’éloge ou la critique.
La vengeance sur le journaliste
Le journaliste se fait des ennemis à cause de sa conduite malhonnête ou de ses méchancetés gratuites : on le voit alors recevant des billets menaçants, ou même battu, attaqué et poursuivi dans la rue par ceux qu’il a dénigrés dans son journal. Il peut même être l’objet d’un véritable complot conçu pour le neutraliser, qui voit s’accorder entre eux ceux qu’il a calomniés. Ce thème se retrouve dans Le Journaliste ou les menées du feuilleton, Le Folliculaire, La Suite du folliculaire.
Le personnage du gérant-responsable
On le montre surtout dans Jeannic le Breton, mais on parle de lui dans d’autres pièces (Arlequin journaliste, La Suite du folliculaire) : le rédacteur ou le propriétaire du journal n’étaient pas forcément responsables de ce que leur feuille publiait ; ils pouvaient engager un « gérant » qui prenait sur lui la responsabilité des articles anonymes et qui, au cas où ceux-ci seraient particulièrement scandaleux ou diffamatoires, pouvait même être dénoncé et condamné, ou être obligé de se battre en duel. Sorte de bouc émissaire, le gérant-responsable était souvent, paraît-il, un mercenaire et un marginal habile dans les armes qui, n’ayant pas d’autres ressources, faisait ce métier pour vivre.
En ce qui concerne une évolution du point de vue des genres, dans le corpus examiné on peut reconnaître deux moments suffisamment différenciés, l’un qui voit prédominer le vaudeville, l’autre la comédie de mœurs. Si l’on ne compte pas les toutes premières pièces, celles qui précèdent le XIXe siècle, on voit que le personnage du journaliste est traité essentiellement dans le vaudeville jusqu’en 1825 (avec la seule exception du Folliculaire) et dans la comédie de mœurs après cette date (avec l’exception de Jeannic le breton). On voit également une différenciation dans le traitement du personnage et dans le rôle dramatique qui lui est attribué : toujours protagoniste dans les premières pièces (jusqu’en 1820), dans lesquelles il est au centre d’une action qui naît et se développe autour de lui du début à la fin, le journaliste devient un personnage moins central ou carrément secondaire dans l’époque successive. On peut donc dire que le traitement de ce thème et l’insertion de ce personnage dans le contexte de la comédie de mœurs a comporté une diminution de son importance dramatique et thématique ; dans certaines pièces on ne voit même pas un personnage de journaliste sur scène, et la presse est uniquement évoquée par la présence, la lecture, la citation de journaux et d’articles (La Camaraderie, La Calomnie).
Le journaliste apparaît comme un personnage plus central dans le vaudeville, tandis que dans la comédie de mœurs sa centralité et son importance sont atténuées. Il s’agit là, en partie, d’une conséquence due à des spécificités génériques : d’un côté, le vaudeville se caractérise par une simplicité et une brièveté de l’intrigue qui peut plus facilement se concentrer sur une action schématique, axée sur un seul personnage ; d’un autre côté, la comédie est marquée par une plus grande complexité dramatique, dans laquelle le journaliste évolue à l’intérieur d’une action plus longue et plus compliquée, et dans un groupe de personnages plus nombreux et mieux caractérisés. Dans ce cas, le journalisme et le journaliste sont plus ou moins résorbés – parfois même un peu dissimulés – dans un cadre dramatique et psychologique beaucoup plus vaste que celui du vaudeville, pouvant prendre en compte plus de thèmes et de situations différentes ; ils constituent donc un thème et un personnage parmi d’autres, parfois plus central, parfois secondaire ou plus effacé.
La représentation de la presse sur la scène théâtrale – qui est parfois l’expression d’une vengeance du dramaturge sur le feuilletoniste – subit toujours des contraintes liées au genre, en termes de tonalité générale, de complexité dramatique et psychologique, de traitement des personnages, de dénouement. Malgré ces différences, dans l’ensemble de notre corpus, la presse apparaît presque toujours comme le miroir d’une société vouée au faux-semblant, pour laquelle ce qu’on montre ou qu’on dit, ou qu’on laisse croire, a finalement plus de poids que ce qui est réellement ; qu’on s’en serve en bien ou en mal, elle est montrée comme un instrument dont la force persuasive est illimitée et dont il est souvent difficile de calculer les conséquences et les répercussions sur la vie individuelle et collective. Elle renvoie l’image d’une société aux équilibres instables, et pour cela confuse et inquiétante, une société dans laquelle la vérité ou l’essence des choses disparaissent dans des tourbillons de mots, dont le danger le plus évident est le mensonge ; mais un autre péril, plus dissimulé et plus subtil, peut-être plus dévastateur, est la futilité.
(Université de Modène)
Notes
1 Francis Moureau, La Plume et le Plomb. Espaces de l’imprimé et du manuscrit au siècle des lumières, Paris, PUPS, 2006.
2 Ibid, p. 363-383.
3 C’est par une sorte d’autoportrait que Frélon se présente au début de la pièce : « Que de nouvelles affligeantes ! Des graces répandues sur plus de vingt personnes ! aucunes sur moi ! Cent guinées de gratification à un bas-officier, parce qu’il a fait son devoir ! le beau mérite ! Une pension à l’inventeur d’une machine qui ne sert qu’à soulager des ouvriers ! une à un pilote ! Des places à des gens de lettres ! et à moi rien ! Encore, encore, et à moi rien ! (Il jette la gazette et se promène). Cependant je rends service à l’état ; j’écris plus de feuilles que personne ; je fais enchérir le papier… et à moi rien ! Je voudrais me venger de tous ceux à qui on croit du mérite. Je gagne déjà quelque chose à dire du mal ; si je puis parvenir à en faire, ma fortune est faite. J’ai loué des sots, j’ai dénigré les talens ; à peine y a-t-il de quoi vivre. Ce n’est pas à médire, c’est à nuire qu’on fait fortune » (Théâtre de Voltaire, précédé d’une notice historique par M. Berville, Paris, Baudoin Frères, 1829, tome V, p. 261-262).
4 Notre corpus prolonge celui réuni par Francis Moureau, le complétant aussi par quelques pièces qui n’étaient pas comprises dans son répertoire (Arlequin journaliste, Le Journaliste ou les menées du feuilleton). Nous avons essayé de créer un corpus représentatif au point de vue chronologique – considérant 1848 comme date limite – et générique, nous orientant sur certains genres dramatiques ; en même temps, nous avons retenu un nombre de pièces qui puisse être raisonnablement analysé dans le cadre d’un article.
5 Quelques remarques sur ce tableau. Notons pour commencer que la pièce de Scribe, La Suite du Folliculaire, est publiée sans nom d’auteur. Victor Moulin l’avait déjà attribuée à Scribe (Scribe et son théâtre, Paris, Tresse, 1862, p. 26), malgré des avis contraires ; Jean-Claude Yon l’inclut dans son Tableau général (Eugène Scribe, la fortune et la liberté, Saint-Genouph, Nizet, 2000). Pour ce qui concerne Le Charlatanisme de Scribe et Mazères, une édition récente en a été publiée par Jean-Claude Yon dans Orages, n° 9, mars 2010, p. 191-237. Enfin, à propos de Jeannic le Breton : cette pièce est représentée et publiée sous le nom d’Eugène Bourgeois (voir le feuilleton de Théophile Gautier dans La Presse du 26 décembre 1841 et les premières éditions chez Beck et chez Tresse en 1842), mais un extrait du Journal des artistes de 1845 (« Le Théâtre français et M. Alexandre Dumas », à consulter sur le site Gallica de la Bibliothèque Nationale) l’indique comme une œuvre écrite en collaboration par Bourgeois et Dumas. La double attribution sera reconnue par Joseph-Marie Quérard (Les supercheries littéraires dévoilées, Paris, Daffis, 1869, tome I, p. 1073-1074) et par Charles Glinel (Alexandre Dumas et son œuvre. Notes biographiques et bibliographiques, Slatkine Reprints, 1967, p. 374).
6 Cette exclamation est une sorte de refrain, qui ne signifie pas tellement « C’est vrai », mais plutôt « Personne ne croira jamais que c’est faux ».
7 Dans Les Effrontés d’Émile Augier, le nom du journal sera La Conscience publique.
8 Molière est même cité dans le texte : « Oui, autrefois, du temps de Molière, on se moquait des femmes… beaux-esprits… elles n’étaient alors que savantes ; mais de nos jours… ennuyées d’entendre rire à leurs dépens, elles se sont faites journalistes ; depuis ce moment les hommes de lettres ne rient plus… ils ont peur ! » (acte II, scène 1).